Acoua fouillée pour remonter dans le temps
Annette Lafond
Source - http://www.malango-actualite.fr/article/mayotte-acoua_fouillee_pour_remonter_dans_le_temps-8934.htm
Les pinceaux s’agitent autour des affleurements : la terre rouge d’Acoua est évacuée pour laisser place aux vestiges qui vont encore une fois écrire l’histoire de cette partie de l’île. C’était une des découvertes proposées par les Journées du patrimoine, orchestrées là par le service culturel de la Préfecture.
Une des tombes
© A.L./Malango
Ce n’est pas de la chance du débutant dont il faut parler pour cette nouvelle découverte archéologique du côté d’Acoua puisque Martial Pauly est membre de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Mayotte (SHAM), mais c’est tout de même en promenant ses chiens qu’il a remarqué un bout de poterie par terre. Observant des affleurements plus loin, il a commencé à gratter et, du chantier ouvert la semaine dernière, sortent déjà 6 tombes, de toute petite taille (9m2) : « il peut s’agir de sépultures d’enfants, mais aussi de rites malgaches de réduction de corps : la partie molle considérée comme impure n’était pas gardée, alors que le squelette était enfoui avec un alignement des os ». Des traces d’habitation ont été retrouvées avec des morceaux de cloison en torchis, et des empreintes d’éléments en bois qui soutenaient le mur.
Les tombes remonteraient aux 10ème ou 12ème siècle, la datation n’est jamais facile, « en particulier parce que le carbone en milieu océanique n’a pas un comportement identique à celui qu’il aurait en milieu terrestre » indique Patrice Courtaud, anthropologue à Bordeaux. Il faut donc comparer les poteries trouvées à proximité, avec d’autres fouilles menées au Kenya ou en Tanzanie pour en dégager une chronologie relative.
Martial Pauly a pratiqué ses premières fouilles à Mayotte en 2005, et est à l’origine de la mise à jour d’une mosquée, toujours à Acoua, datée du 14ème siècle et d’une chefferie (« fani », chaque village avait son chef du temps des sultans batailleurs) avec un enclos villageois du 12ème siècle qui fait apparaître un mur de 70cm d’épaisseur et son encadrement de porte en pierres (*).
Les fouilleurs bénévoles sont en équipe, une vingtaine à se relayer chaque week-end, «
ce sont mes élèves qui viennent d’eux-mêmes et qui découvrent ainsi l’histoire de leur île », car Martial Pauly est également enseignant au lycée de Mtsangadoua. Et de fait, Djibril a commencé à s’intéresser aux fouilles en seconde : « lors d’un exposé j’ai choisi de faire des recherches complémentaires aux découvertes archéologiques en parlant des premiers européens arrivés à Mayotte et des arabes du Golfe Persique ». Assinani, Djamila, Fayda, Ahmed, Hanessati, Limouandjilati s’activent de leur côté avec leurs pinceaux et ont reçu la visite du préfet Thomas Degos en cette journée du patrimoine. Ce sont les Affaires culturelles de la Préfecture qui financent le matériel et la logistique des fouilles.
Martial Pauly nous amène un peu plus loin : « là, il y a très certainement une pierre sacrée malgache, « vato masina » » indique-t-il devant une pierre gigantesque, avant de ramasser sous ses pieds un fragment de poterie antérieur au 13ème siècle. Tout un faisceau de preuve indiquant que des populations malgaches peuplaient Acoua à cette époque, surtout qu’un ficus, « arbre sacré malgache » domine majestueusement la pierre sacro-sainte, à côté d’un songe (taro), « apporté par les Austronésiens, ancêtres des malgaches ».
« 40 sites d’archéologie » c’est ce que recenserait Mayotte, avec seulement 10 déjà fouillés et encore partiellement, « les plus anciens datent du 8ème siècle ». Beaucoup de travail d’investigation en vue donc en l’absence d’écrits sur l’histoire de Mayotte, « les premières inscriptions datant de 1538 ».
(*) Texte et photos sur http://archeologiemayotte.over-blog.com