Baudouin Eschapasse
Source - https://www.lepoint.fr/sciences-nature/la-premiere-revolution-technologique-date-de-50-000-ans-15-06-2021-2431061_1924.php#xtor=CS3-190
Une découverte archéologique intervenue dans le désert du Néguev en Israël bouleverse l’état des connaissances en matière préhistorique.
Le désert du Néguev, dans le sud d'Israël, recèle d'immenses trésors archéologiques. Année après année, les chercheurs y font des découvertes étonnantes. En mai 2019, une équipe de scientifiques y avait ainsi exhumé des amphores attestant la consommation locale de bière il y a plus de 3 000 ans. En juin 2020, des analyses réalisées sur le site d'un sanctuaire du VIIIe siècle avant notre ère avaient révélé des traces de cannabis laissant entendre que l'usage de ce psychotrope y était commun à l'âge du fer.
Une publication, survenue dans la revue américaine Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) le 15 juin, bouleverse aujourd'hui l'état des connaissances dans le domaine préhistorique. Elle documente en effet la cohabitation, en un même lieu, de nos lointains ancêtres Sapiens avec des hommes (et des femmes) de Neandertal. De cette rencontre entre ces deux lignages de l'humanité résulterait la transformation des techniques de taille du silex, intervenue il y a 50 000 ans, dans cette région.
Selon les conclusions de l'article, cosigné par une dizaine de scientifiques israéliens et français (parmi lesquels Elisabetta Boaretto, Marion Hernandez, Mae Goder-Goldberger, Vera Aldeias, Lior Regev, Valentina Caracuta, Shannon P. McPherron, Jean-Jacques Hublin, Steve Weiner et Omry Barzilai), cette révolution technologique se serait produite de manière plus rapide que ce que l'on pensait jusque-là. Elle aurait permis l'adoption de nouvelles techniques de chasse. Les pointes taillées permettant la mise au point d'armes de jet : javelots, puis flèches.
Le site exploré est localisé à Boker Tachtit, non loin de la localité de Sde Boker, au centre du Néguev. Il a été découvert dans le courant des années 1980. Une campagne de fouille organisée entre 2013 et 2015 à l'initiative du centre Weizmann a permis d'exhumer sur place un important mobilier de pierres taillées, mais aussi des fragments de charbon de bois dont la datation au carbone 14 atteste une occupation humaine il y a 50 000 ans. Si aucun reste humain n'a été retrouvé localement, c'est la diversité des techniques de taille qui démontre la coexistence sur place de ces souches humaines cousines.
Les Neandertaliens seraient arrivés dans la région, en provenance du nord, il y a 70 000 ans. L'arrivée de Sapiens, depuis le continent africain, serait de son côté intervenue il y a 200 millénaires. Ce qui permet de penser que les confrontations entre les deux lignées sont antérieures à celles attestées à Boker Tachtit. Les uns et les autres coexistant et probablement interagissant.
Mais c'est une vague migratoire plus tardive, remontant par la péninsule arabique ou le long du Nil, autour de 50 000 ans avant notre ère, qui aurait permis à la fois le métissage génétique, que postule la théorie de « l'origine africaine moderne », ainsi que l'introduction d'une nouvelle culture, indique Elisabetta Boaretto.