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Bordeaux (France) : Trois chantiers archéologiques majeurs révèlent les secrets de la ville antique et médiévale

 

Bordeaux : Le sous-sol continue à parler

Catherine Darfay

Source - http://www.sudouest.fr/2011/07/30/le-sous-sol-conti-nue-a-parler-463543-2780.php 

 

Trois chantiers archéologiques majeurs révèlent les secrets de la ville antique et médiévale. Deux d'entre eux continuent tout l'été.

1 Un atelier de tanneurs à Mériadeck

À Saint-Michel ou au Palais Gallien, les collègues de Christophe Sireix ont suivi avec envie les fouilles préventives de la rue Fleuret, à Mériadeck, juste sous le futur hôtel de la CUB. L'archéologue de l'Inrap y a en effet mis au jour un atelier de tannerie du premier siècle de notre ère. Une surprise ? Pas tout à fait « L'Inrap avait déjà fait quelques diagnostics sur le site, qui avaient permis de trouver des débris de poterie de Lipari. Or les amphores produites à Lipari, au nord de la Sicile, servaient à transporter et à conserver l'alun, un des composants des mixtures bizarres qu'utilisaient les tanneurs pour traiter les peaux ».

 

L'atelier de tanneurs de Mériadeck. photo fabien cottereau

Et puis, il avait eu des déchets similaires sous la nouvelle résidence Bouygues, cours du Maréchal Juin. Bref, les tanneurs étaient attendus en sous-sol. Mais pas forcément un atelier en si bon état de conservation. Christophe Sireix et sa petite troupe de l'Inrap ont même trouvé des peaux d'animaux de nos ancêtres les Gallo-Romains. Pas des peaux entières à mettre devant la cheminée, certes, mais de vrais et bons morceaux de cuir vieux d'une vingtaine de siècles. Avec, en prime, les bouts de pattes et les chevilles osseuses (en fait, les supports des cornes) avec quoi elles étaient livrées. Toutes les espèces sont représentées, y compris de petits mammifères probablement recherchés pour leur fourrure.

Milieu humide

« La chance qu'on a eue, c'est de fouiller des zones humides qui le sont restées très longtemps, sans avoir été bouleversées par des constructions plus modernes. En fait, toute cette zone était un marécage jusqu'au XVIIIe siècle » explique Christophe Sireix. D'ailleurs, l'atelier a sans doute été abandonné au tout début du IIe siècle pour cause d'inondation. Ce qui ne serait pas très étonnant, en pleine vallée du Peugue, l'un des ruisseaux qui alimentaient Bordeaux et sur le bord duquel s'étaient fixés de nombreux artisans.

Y compris des meuniers, semble-t-il. Les archéologues avaient le vague soupçon qu'il pouvait y avoir eu des moulins au bord du Peugue. Gagné. Côté cours d'Albret, les fouilles ont également révélé un amoncellement de céréales noircies par un incendie. Quand le drame a-t-il eu lieu ? On ne sait. Les archéologues ont encore du pain sur la planche, c'est le cas de le dire.

D'autant que, si la découverte de l'atelier lui-même, avec ses bacs à trempage et à traitement, date des premiers jours du chantier, il y a un mois, cette dernière semaine a également eu sa surprise : un tronc de bois évidé qui servait à traiter les peaux avec la mixture conservée dans les fameuses poteries de Lipari. La bouche est bouclée.

2 Deuxième épisode au Palais Gallien

On avait quitté, l'an dernier, les archéologues du Palais Gallien pas mécontents d'avoir enfin trouvé des tessons gallo-romains sous toutes les strates accumulées au pied de l'amphithéâtre. Celui-ci ayant été incendié, abandonné, puis transformé en décharge ou loti pour bâtir des maisons par-dessus, on n'y trouve pas que de l'antique. Le programme triennal objet d'une convention entre la Ville, l'État et l'Institut Ausonius de Pessac a toutefois pour but de mieux dater le monument. Et les tessons ont parlé : ils sont antérieurs au IIe siècle, qu'on pensait jusqu'ici être la période de construction. « Mais nous n'en avons pas assez pour être plus précis » regrette David Hourcade, le responsable du chantier.

 

Au Palais Gallien, le couloir de l'amphithéâtre  -  Cottereau Fabien

Sauf que, si les archéologues ont, au début de cette deuxième phase, dégagé encore et encore des ré- sidus du XIXe et du XXe sous l'averse, ils ont aussi mis la main, il y a trois jours, sur de nouveaux morceaux de poterie. Presque au milieu du couloir central, alors qu'ils croyaient que les fouilles accomplies au XIXe au même endroit n'avaient rien laissé. Et en plus, le soleil est revenu. Bingo ! La couche de galets visible le long du couloir laisse quelques espoirs supplémentaires : certes, il s'agit là de la rue qui avait remplacé le couloir au XVIIIe mais une étroite bande de construction n'est pas si loin…

Des murs retournés

Le couloir par lequel entraient lions et gladiateurs en venant du côté de l'actuelle place Galiène n'est pas le seul à être exploré. David Hourcade et ses étudiants ont également élargi le périmètre des sondages de l'an dernier. Le premier se trouve sous l'ancien podium où s'installaient les riches Burdigaliens. Juste à côté, une trace de mur… L'occasion de mieux comprendre comment a été construit le théâtre, puisque c'est aussi un des buts de l'opération ? Raté. « En fait, au XIXe, il y a eu un jardin ici. Et le vrai mur antique a été cassé pour en faire un faux dans ce jardin » explique David Hourcade, un peu frustré.

Ce sont des spécialistes de l'Antiquité qui opèrent mais les fouilles doivent également permettre de mieux connaître l'histoire du monument après son abandon, au IIIe siècle. C'est là que le troisième sondage, sous les gradins est, prend tout son sens. En creusant sous les cendres qui saupoudraient l'ancienne décharge, de nouveaux pans de mur sont apparus mais… fondations par-dessus tête ! Apparemment, les Bordelais de la fin du Moyen Âge ont eu besoin de faire de la place. Et ils ont tout simplement fait basculer les murs. Les travaux d'Hercule, bien après les jeux du cirque…

3 Les bouchées triples à Saint-Michel

Exit Burdigala, voici la Bordeaux médiévale que les fouilles préventives qui précèdent l'aménagement de la place Saint-Michel et de ses satellites s'attachent à mieux faire connaître. le chantier, mené par l'entreprise Hadès, a commencé début juin par des sondages d'observation qui avaient déjà permis de dégager un squelette dans son sarcophage, du côté de la rue Camille Sauvageau. Mais il ne faut sans doute pas attendre de merveilles genre atelier de tanneurs ici : le sud de Bordeaux a été particulièrement urbanisé, et les sous-sols ont été entièrement bouleversés.

 

Un cimetière au pied de la Flèche Saint-Michel  - Cottereau Fabien

N'empêche. Il y a de quoi faire. Les fouilles proprement dites, entamées début juillet, sont centrées sur trois des six spots initiaux. « Ceux qui ont montré les vestiges les plus hauts, donc les plus menacés par les futurs travaux » précise Natacha Sauvaitre, responsable de l'opération. Côté Sauvageau, la présence d'un cimetière médiéval au sud de la basilique est donc confirmée. Plusieurs autres corps ont été retrouvés, avec ou sans sarcophage. En revanche, pas de trace d'une nécropole antique, pourtant signalée par les érudits après la découverte ancienne de deux sarcophages rue Planterose. En tout cas, le cimetière désormais à ciel ouvert reste la partie la plus convoitée par les curieux, avec ses crânes qui affleurent de la terre et ses squelettes pudiquement bâchés.

Le reste, place Duburg et place Maucaillou, est pourtant au moins aussi intéressant, sinon spectaculaire. Ici, les archéologues y vont à coups de pioche, voire de pelleteuses pour mettre au jour des murs d'habitations médiévales, particulièrement lisibles, voirie comprise, du côté des Capus où d'anciens rails métalliques, peut-être ceux de l'ancien tram ont également été retrouvés. « Pour l'instant, ce qu'on a trouvé correspond au cadastre de 1811. Cela va permettre d'affiner ce que l'on sait de l'occupation de Saint-Michel » note Natacha Sauvaitre.