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Cantalouette (France): Un oiseau dans l'art des origines

Iluminada Ortega et Laurence Bourguignon de l’Inrap et des chercheurs espagnols, annoncent dans Journal of Archaeological Science Reports la mise au jour d’une œuvre d’art aurignacienne, vieille de 35 000 - 31 000 ans, représentant un oiseau, qui contribue à une meilleur connaissance des origines de l’art figuratif. 

INRAP

Source - http://www.inrap.fr/un-oiseau-dans-l-art-des-origines-10887

A loccasion de la construction de la déviation est de Bergerac (Dordogne), les fouilles préventives réalisées par l’Inrap sur le site de plein air de la doline de Cantalouette ont permis de mettre en évidence des occupations préhistoriques, du Paléolithique moyen au Néolithique. Iluminada Ortega et Laurence Bourguignon de l’Inrap et des chercheurs espagnols, annoncent dans Journal of Archaeological Science Reports la mise au jour d’une œuvre d’art aurignacienne, vieille de 35 000 - 31 000 ans, représentant un oiseau, qui contribue à une meilleur connaissance des origines de l’art figuratif.

Pajaritobd© Iluminada Ortega, Joseba Rios-Garaizar, Diego Garate Maidagan, Juan Arizaga, Laurence Bourguignon

PASSEREAU, TORCOL OU PERDRIX DE 35 000 ANS

Très singulière, l’œuvre d’art est probablement unique pour l’Aurignacien, période qui voit l’arrivée de l’Homme moderne en Europe occidentale. Elle est exceptionnelle par son degré de naturalisme, par la nature de son support, le cortex (l’enveloppe calcaire) d’un éclat de silex, enfin par la technique de gravure utilisée, dite du relief abattu mise en évidence par des analyses microscopiques et 3D réalisées au Cenieh (Burgos, Espagne).
À l’aide d’un outil en pierre, la gravure a été réalisée en créant une surface irrégulière dans le cortex.  Un côté moins abaissé que l’autre donne du relief. Cette étape est suivie par l’incision du tracé du plumage et des détails de la tête : bec court mince et pointu, œil de petite taille et possible ligne sourcilière. La poitrine est représentée avec un trait presque rectiligne. Les ailes apparaissent entièrement déployées représentées selon une perspective plate avec des traits parallèles qui figurent le plumage. Enfin, un petit trait souligne les pattes ou la queue. Cette technique du relief abattu sur la surface corticale de l’éclat est peu utilisée dans l’art Paléolithique.
Trois familles d’oiseaux, présentes en France il y a 35 000 ans, peuvent candidater : le passereau, le torcol fourmiller ou un phasianidé (perdrix ou caille). La posture suggère celle d’un oiseau buvant, faisant la cour ou sur le point de s’envoler. L’artiste a capté avec dextérité un instant très précis, typiques du comportement animal.

UN ART ÉPHÉMÈRE ET SANS CANON

L’élection d’un animal rarement dépeint et l’utilisation de procédures techniques novatrices sont spécifiques de cette gravure. Elles suggèrent l’absence de traditions artistiques et techniques rigides dans l’art Aurignacien. L’absence d’un canon est d’ailleurs une caractéristique de l’art aurignacien, et cela malgré certaines convergences, notamment  la représentation d’animaux dangereux dans le Jura Souabe, la Dordogne, l’Ardèche et l’Italie du Nord.
Ainsi, sur ce site de la doline de Cantalouette II, l’artiste se permet de « tester » d’autres modes de représentation des volumes et des contours. La liberté de l’artiste de Cantalouette II peut être mise en parallèle avec celle des tailleurs aurignaciens du Bergeracois qui surpassent leurs compétences techniques en produisant des lames aux dimensions hors normes.
L’objet lui même, mis au rebus dans un atelier de taille de silex, suggère l’existence d’une expression artistique éphémère, comportement encore inconnu pour l’Aurignacien qui autorise à repenser la fonction du premier art figuratif européen.
Cet oiseau s’avère très singulier pour la période aurignacienne, qui signe les premières manifestations artistiques en Europe occidentale. Cette œuvre diffère fondamentalement des autres expressions artistiques contemporaines, celles de la grotte Chauvet par exemple, puisqu’elle n’est pas faite pour perdurer. Les manifestations artistiques et symboliques aurignaciennes ne sont donc pas exclusivement liées au renforcement des réseaux sociaux ou aux croyances, mais sont aussi des expressions créatives éphémères voire ludiques.

Référence de l’article
​Iluminada Ortega, Joseba Rios-Garaizar, Diego Garate Maidagan, Juan Arizaga, Laurence Bourguignon - A naturalistic bird representation from the Aurignacian layer at the Cantalouette II open-air site in southwestern France and its relevance to the origins of figurative art in Europe. Journal of Archaeological Science: Reports vol. 4 (December 2015), p. 201-209