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Champagne sur Oise (France) : Ces menhirs que l’on abat

 

Ces menhirs que l’on abat

INRAP

http://www.inrap.fr/archeologie-preventive/Actualites/Communiques-de-presse/Les-derniers-communiques/Communiques-nationaux/p-13017-Ces-menhirs-que-l-on-abat.htm 

 

 

 

Avant la construction d’un lotissement par Nexity Foncier Conseil, à Champagne-sur-Oise (Val-d’Oise), une équipe d’archéologues de l’Inrap fouille, sur prescription de l’État (Drac Île-de-France), une surface d’un hectare. Le site des « Basses Coutures » révèle aujourd’hui un habitat de l’âge du Fer, mais aussi deux menhirs, probablement néolithiques, abattus dans une fosse.

Des fermes indigènes de l’âge du Fer

Le décapage mécanique a tout d’abord révélé aux archéologues des chapelets de batteries de silos, creusés dans les alluvions de l’Oise. Souvent riches en céramique de belle facture, ils sont datés du Ve siècle avant notre ère (La Tène ancienne). Certains de ces silos atteignent 1,80 m de profondeur et avaient une capacité de stockage du grain ou de cultures maraichères de plusieurs mètres cube.

Le site est par la suite réoccupé à la fin du IIe siècle et durant le Ier siècle avant notre ère (La Tène finale) : une ferme gauloise de tradition indigène s’y implante. Celle-ci se compose de deux enclos entourés de fossés de formes rectangulaire et trapézoïdale, à l’intérieur desquels se situent des bâtiments sur poteaux et des fosses de stockage.

 

© Denis Gliksman/Inrap

L’enclos principal ceinture une surface d’environ 4 000 m2. Son fossé, large de 3 m, profond de 1,50 m, avec un profil en V, pourrait avoir une fonction défensive. L’habitation principale est un grand bâtiment rectangulaire dont la base est composée de 17 poteaux porteurs. L’édifice, de 70 m2 environ, devait vraisemblablement posséder un étage.

Le second enclos englobe une aire de 2 300 m2 et possède un fossé moins large, moins profond. Il a livré quelques fragments de crânes humains. Ce type de dépôt singulier, issus de manipulations de cadavres, est fréquent dans certaines fermes gauloises.

Les deux enclos sont reliés par un passage. Ce système de circulation est renforcé par une palissade et un petit fossé perpendiculaire, permettant la canalisation du bétail. À l’extérieur des enclos se place une série de structures périphériques : enclos à bestiaux, grenier sur poteaux, palissades, petits silos…

Le Néolithique et les mégalithes du Val-d’Oise

Vers 5100 avant notre ère, les premiers groupes néolithiques, s’implantent en Bassin parisien. Les archéologues en ont retrouvé quelques vestiges ténus sur le site des « Basses Coutures ». Lors des travaux de l’autoroute A16, des fosses et trois sépultures – un homme, une femme et un enfant – datés du Néolithique ancien, 5100-4700 avant notre ère, avaient déjà été fouillés à Champagne-sur-Oise.

Vers 4500 avant notre ère (Néolithique moyen), le phénomène mégalithique apparaît. Il est associé à la construction de monuments funéraires, réservés à quelques individus. Dans le Val-d’Oise, à la fin du Néolithique (3500-2000 avant notre ère) des monuments dénommés « allées couvertes » accueillent parfois plusieurs centaines de défunts comme à Guiry-en-Vexin. Ces « allées couvertes » sont les monuments mégalithiques les plus nombreux (15 exemplaires), mais certains chercheurs évaluent leur nombre, il y a 4000 ans, à plus de 300.

Les mégalithes du Bassin parisien sont bien moins nombreux que ceux d’autres régions, la Bretagne et le Languedoc notamment : 21 monuments subsistent actuellement dans le Val-d’Oise, auxquels s’ajoutent 18 ensembles détruits depuis le début du XIXe siècle pour produire les pavés de nos rues. Les menhirs, sont moins fréquents : 5 sont attestés à Cergy, Menouville, Chars, Ennery et Jouy-le Moutier, généralement situés à proximité de cours d’eau.

Les menhirs de Champagne-sur-Oise

Dans une fosse ovale isolée, deux blocs de pierre (orthostates) sont couchés.

 

© Denis Gliksman/Inrap

Ces menhirs sont les premiers découverts en Île-de-France en contexte d’archéologie préventive. Le premier est en grès stampien de couleur ocre, long de 2 m et large de 70 cm. Il porte des traces de piquetage et de « bouchardage » sur la face visible, des stigmates de débitage sur la tranche. Le second bloc, de dimensions similaires, est en calcaire gris clair. Son sommet a été clairement mis en forme.

 

© Denis Gliksman/Inrap

Par ailleurs, de petits blocs en calcaire pourraient être les fragments d’un troisième orthostate débité sur place. La probable fosse d’ancrage d’un menhir se trouve au centre. Les menhirs ont visiblement été abattus.

 

© Denis Gliksman/Inrap

Ces deux ou trois menhirs ne sont pourtant pas les premiers à Champagne-sur-Oise. Un texte anonyme, publié en 1905 dans le Bulletin de la Société d’Excursions scientifiques, sous le titre « Excursion Presles et l’Isle-Adam, du 17 mai 1903 », relate la présence d’un alignement de menhirs aux pieds desquels « M. Denise a pratiqué quelques fouilles […] (et) n’a récolté que quelques fragments de poterie néolithique, quelques éclats de silex et trois petits silex minuscules ».

Un iconoclasme néolithique ?

Les menhirs de Champagne-sur-Oise ont-ils été mis à bas dès le Néolithique ? Les fragments de poteries retrouvés dans la fosse principale sont de facture protohistorique mais sans réelle caractéristique. Ils ne donnent donc pas d’informations sur la période d’abattage des blocs. Il faut toutefois se rappeler qu’à Belz, près de Carnac, l’Inrap a récemment fouillé nombre de menhirs renversés, déplacés ou portant de nombreuses traces de débitage. Ces mégalithes érigés entre les Ve et IVe millénaires avant notre ère furent mis à bas dès le Néolithique récent. Ce démantèlement de mégalithes au Néolithique n’est pas le premier du genre.
Les grands menhirs de Locmariaquer du Ve millénaire, segmentés au IVe, furent réemployés dans certains dolmens, celui de l’île de Gavrinis notamment.
 
La probable destruction des menhirs de Belz au IIIe millénaire, et la mise à terre de ceux de Champagne-sur-Oise, confirmeraient l’évolution des mentalités au cours de cette période.

 

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