Reconstruire un bateau de 3500 ans
Yves Miserev
Source -http://www.lefigaro.fr/sciences/2012/03/07/01008-20120307ARTFIG00585-archeologie-reconstruire-un-bateau-de-3500-ans.php
Les restes du navire découvert à Douvres dans le Musée archéologique de la ville.
Une réplique d'un bateau de l'âge du bronze découvert à Douvres prendra bientôt la mer.
Ce qui reste du navire est protégé dans un habitacle de verre, dans le sous-sol du Musée archéologique de Douvres, dans le sud de l'Angleterre. Deux énormes troncs de chêne évidés, tenus ensemble sur toute leur longueur par de grosses tresses végétales et d'imposants tenons et mortaises.
Miraculeusement préservé sous plus de six mètres de sédiments, l'ensemble a été découvert en 1991, pendant des fouilles en plein centre-ville de Douvres, lors de la construction d'un tunnel. Seule une partie avait pu être arrachée à la terre, la proue restant enfouie sous les fondations d'un immeuble. L'embarcation qui devait mesurer près de 18 mètres de long, pouvait transporter deux tonnes de marchandises. Elle traversait sans doute la Manche mue par un équipage de seize pagayeurs.
Le bateau date de l'âge du bronze (1550 ans avant J.-C.), une époque que l'on commence à mieux connaître grâce aux opérations d'archéologie préventive entreprises dans la foulée des grands travaux récents: lignes TGV, autoroutes.
Outillage d'époque
C'est la plus ancienne embarcation ayant navigué en mer découverte à ce jour. «On n'a jamais trouvé ailleurs un bateau aussi compliqué et aussi ancien. Il a été construit par des personnes dont c'était le métier. À l'âge du bronze, il y avait beaucoup d'échanges transmanche, la mer n'était pas une barrière infranchissable», assure Anne Lehoërff, de l'université Lille-I, coordonnatrice du projet européen Boat 1550 BC qui doit aboutir à la construction d'une réplique du bateau ainsi qu'une exposition qui sera présentée à Douvres, Boulogne-sur-Mer et Gand.
Le «Kon-Tiki» ouest-européen sera mis à l'eau en mai prochain. Il se contentera de caboter le long de la côte anglaise. En attendant, les archéologues s'activent: ils évident deux troncs de chêne avec des herminettes en bronze qu'ils ont coulées eux-mêmes. «On n'est pas en train de jouer au charpentier. On fait avancer la science», souligne l'archéologue britannique Richard Darrah. Faute de moyens (il aurait fallu faire venir des arbres de Normandie, il n'y en a plus d'aussi grands dans tout le Royaume-Uni), la réplique sera seulement à l'échelle un demi.