Léonard de Vinci : une fresque perdue émerge à Florence
Le HuffPost/AFP
Source - http://www.huffingtonpost.fr/2012/03/12/leonard-de-vinci-fresque-mystere_n_1339080.html?ref=france
La fresque de la Bataille d'Anghiari, œuvre de Léonard De Vinci que le monde de l'art pensait "perdue", pourrait faire sa réapparition dans le Palazzo Vecchio de Florence. Commencée en 1505 et rebaptisée The Lost Leonardo, la peinture murale inachevée aurait été retrouvée derrière laBataille de Marciano de Giorgio Vasari.
Ces recherches sont le résultat d'une enquête que Maurizio Seracini, professeur à l'Université de San Diego en Californie, mène depuis une dizaine d'années. Lundi 12 mars, dans un communiqué officiel relayé par National Geographic , partenaire du projet, les premières analyses sont publiées. Elles ont permis de faire ressortir différentes traces qui valideraient de la présence de la fresque du génie italien de la Renaissance sur un mur de la principale salle du palais toscan.
De nouvelles "preuves"
Ces traces ont été découvertes dans le cadre d'une opération controversée qui a amené l'équipe à percer des trous dans l'œuvre de Vasari. À l'aide de micro-caméras et de sondes passées à travers la première fresque décorant le siège de la mairie de Florence, les experts ont relevé plusieurs détails frappants. Seracini qui conduit les recherches décrit l'émergence de ces nouveaux indices:
"Ces détails sont très encourageants. Même si nous sommes encore aux phases préliminaires de la rechercher et qu'il y a beaucoup de travail à faire pour résoudre ce mystère, les différents éléments suggèrent que nous cherchons au bon endroit."
Parmi les données:
- un échantillon de couleur noire relevé par des sondes endoscopiques derrière la fresque de Vasari a une composition chimique identique au noir utilisé sur La Joconde ou le Saint Jean Baptiste du Louvre.
- des fragments de matériel rose pourraient être associés aux techniques de laque rouge de l'époque.
- de la peinture marron sur un vieux mur caché par celui sur lequel Vasari avait peint sa fresque.
Les experts ont cependant tenu à souligner que les découvertes n'apportaient pas une réponse "définitive" et que d'autres analyses chimiques étaient encore nécessaires. Ces "preuves" viennent s'ajouter à d'autres indices comme l'énigmatique "Cerca Trova" (Qui cherche, trouve) inscrit sur un étendard vert du tableau, révélé par le professeur Seracini.
"Les analyses chimiques sont des premiers résultats très significatifs même si ils ne sont pas définitifs. Maintenant, nous devons chercher à comprendre ce qui reste du tableau de Léonard de Vinci que l'on croyait détruit vers le milieu du XVIème siècle, et ce que l'on peut en récupérer sans toucher à la fresque de Vasari", a déclaré le maire de Florence, Matteo Renzi .
La controverse
Parmi les instruments spéciaux utilisés dans cette opération figure une caméra à haute résolution, réalisée par un physicien nucléaire américain, Robert Smither, et normalement utilisée pour réaliser des images de cancers dans le corps humain.
Ces recherches ont soulevé une controverse en Italie car des centaines d'historiens d'art et d'experts ont signé une pétition affirmant que l'opération n'est qu'une publicité "à la Dan Brown", l'auteur du Da Vinci Code.
Fin décembre, une enquête a été ouverte pour des actes de vandalisme présumés qui auraient été commis sur l'oeuvre de Vasari et la police a effectué des contrôles à Palazzo Vecchio. Le maire a souligné qu'il ne s'agit "pas d'une croisade d'un fou amateur de mystères", mais que ces recherches sont "très importantes" pour Florence.
L'histoire d'une fresque...
La Bataille d'Anghiari aurait été peinte par Léonard de Vinci en 1505. En face de la Bataille de Cascina réalisée par Michel-Ange. Deux maîtres pour deux fresques célébrant respectivement les victoires de Florence contre Niccolo Piccinino, condottiere au service de Milan et la ville de Pise. Selon des sources d'époque, la scène centrale de la fresque représente quatre cavaliers luttant pour un étendard. Symbole de violence, de fureur et de l'horreur de la guerre. Giorgio Vasari décrit ses impressions dans son livre, Le Vite de' più eccellenti pittori, scultori e architettori:
"Il est impossible d'exprimer l'inventivité de Léonard de Vinci dans l'élaboration des uniforme des soldats qui sont dessinés avec une variété d'ornements, de casques et de blasons, sans compter son incroyable capacité démontrée par le mouvement et la forme de ces chevaux que Léonard est parvenu à créer, mieux que tout autre maître, dans toute leur hardiesse, tous leurs muscles et toute leur gracieuse beauté."
...au goût d'inachevée
Le peintre n'a pourtant jamais fini sa fresque. L'histoire voudrait que des problèmes de fixation des couleurs (causés par l'utilisation de la peinture à l'huile sur un support peu adapté) ait eu raison de sa patience. Plusieurs années après le départ de Léonard de Vinci de Florence, Vasari est chargé de la rénovation de la salle. En 1563, il répond à une commande de la famille de Médicis et commence sa Bataille de Marciano. C'est à ce moment qu'on perd la trace de la fresque initiale.
Si le travail préparatoire de Léonard de Vinci existe, la Bataille d'Anghiari est devenue célèbre car des artistes comme Rubens ont eu le temps de s'en inspirer ou de la reproduire. En 1603, le peintre baroque flamand produit une copie sur le modèle d'une gravure de Lorenzo Zacchia. Pour Maurizio Seracini, cela ne fait aucun doute, Vasari a épargné la fresque de de Vinci en construisant un "mur de protection".
Retour sur l'enquête: en vidéo
Arte avait consacré en 2006 un documentaire au professeur Seracini. Présenté comme un détective de l'art, à la fois expert et pionnier en matière de restauration, il s'était fait connaître en adaptant la technologie médicale et militaire de pointe à l'auscultation de certaines œuvres. Cité par Dan Brown dans le Da Vinci Code, il travaille depuis quelques années sur plusieurs chefs-d'oeuvre de Léonard de Vinci dont La bataille d'Anghiari.
2012 devrait être l'année de Léonard de Vinci. Après la National Gallery de Londres, le Louvre abat à son tour la carte du peintre en présentant son ultime chef d'oeuvre, la Sainte Anne, du 29 mars au 25 juin prochain . Le début de la lente et complexe genèse du tableau remonterait à 1501, date de sa première mention dans la correspondance d’Isabelle d’Este. La restauration de cette peinture a suscité des grincements de dents. Entré dans la phase des retouches, ce chef-d'œuvre de la Renaissance a connu un allègement des vernis particulièrement tendu avec départ de deux experts éminents de la commission scientifique consultative formée par le musée. Léonard de Vinci n'a cessé de perfectionner l'ambitieuse composition, qu’il laissa inachevée à sa mort en 1519. L'exposition rassemble pour la première fois l’ensemble des documents liés à ce panneau.