Le site gallo-romain n’a toujours pas révélé tous ses mystères. Chaque année, un conseil scientifique fait le point sur la question.
Claire Brugier
Source - http://www.vosgesmatin.fr/vosges/2012/09/27/grand-toujours-un-mystere
On aurait pu croire que les nouvelles technologies, mises au service de l’archéologie, parviendraient à lever le voile sur les mystères de Grand. Il n’en est rien. Le site gallo-romain du nord-ouest vosgien, géré par le conseil général, conserve tout son mystère. Le cinquième conseil scientifique organisé dernièrement au Centre d’interprétation de a néanmoins apporté quelques nouvelles pistes de recherche « pour avancer sur cette ville qui défie les archéologues », note Thierry Dechezleprêtre, chef d’orchestre de cette rencontre annuelle. Mais le mystère reste entier sur cette implantation antique plus importante que Nasium (Naix-aux-Forges dans la Meuse) ou même Toul, mais où le sanctuaire demeure invisible. Au XIX e siècle, Camille Jullian avait rattaché Grand à Grannus, un autre nom donné à Apollon. A juste raison ?
Tablette zodiacale de Grand: Musée des Antiquités Nationales
De nombreuses autres questions se posent. « Pourquoi un amphithéâtre ? Pourquoi une telle superficie (60 hectares, ndlr) ? Pourquoi des remparts ? Pourquoi des tablettes astrologiques ? » interroge Thierry Dechezleprêtre pour qui ce conseil est « l’occasion de ne pas envisager Grand dans le seul département des Vosges, mais dans l’Empire romain, de réfléchir à une autre échelle ». Ou encore de le voir du ciel, via la technique de la prospection aérienne ou encore du LIDAR (Light Direction and Ranging).
Statue équestre de Jupiter (Musée lorrain)
Grâce à ce laser radar aéroporté, Aline Resch (Université de Paris I) a pu approfondir l’occupation des sols autour du site, jusqu’à mettre en doute la thèse selon laquelle Grand aurait été une grande agglomération établie au centre d’une clairière, ce que dément l’observation des limites forestières observées via le LIDAR. Idem pour la Maldite, une rivière jusqu’à présent considérée comme intermittente qui, une étude géoarchéologique devra le confirmer ou l’infirmer, pourrait avoir été permanente. Grand ne ferait donc pas partie des rares villes de l’Empire à n’avoir pas été installée à côté d’un ruisseau ?
Au fil des recherches, l’implantation s’avère plus étendue que jamais. La prospection aérienne des champs de céréales (qui prend en compte micro-relief et phytographie), réalisée par Gilbert Salvini du Cercle d’études de Contrexéville, va également dans ce sens. Mais « on ne comprend toujours pas, après toutes ces années de recherches, ce qu’était ce site de Grand, souligne John Scheid, professeur au Collège de France et président du conseil scientifique de Grand. A l’époque antique, la Gaule comprenait des cités-Etats, comme Nasium, et des agglomérations dont le statut est connu, en particulier par des inscriptions. Comme Soulosse au niveau administratif. »
Au regard des connaissances actuelles, le cas de Grand se rapprocherait de celui d’Argentomagus (Indre). « On manque à Grand de grandes inscriptions, on dépend totalement de la chance car les inscriptions que l’on a retrouvées jusqu’à présent racontent tout sauf ce qu’on voudrait savoir. Il ressort des études récentes que l’implantation était beaucoup plus grande que le cercle par lequel on l’indique généralement, et que la question est beaucoup plus complexe que ce qu’on pensait. » Le temps est révolu où l’on se contentait d’imaginer à partir des textes littéraires que l’empereur Caracalla était passé par Grand en 213, que Constantin y avait fait une halte entre Arles et Cologne…
Pour y voir plus clair, en néophyte curieuse, Joan Ayling, Grandésienne d’adoption qui a « un bout de rempart dans sa cave », profite chaque année de ces rencontres pour mieux comprendre le site. « C’est intéressant de resituer certaines implantations dans le village, on reconnaît des maisons… J’ai moi-même un bout de rempart dans ma cave. Ce sont beaucoup de terrains privés, alors c’est l’occasion d’avoir des informations, des photos, des diapos qui ne sont pas publiées dans les revues grand public. »
Quant à la campagne de fouilles triennale débutée l’an dernier dans la rue du Ruisseau, elle s’appuie sur un vaste portique de plus de 40 m de longueur, « sans doute pour pénétrer dans les thermes », et sur un aqueduc qui traverse la parcelle. « Nous avons déjà découvert beaucoup de marbres et de roches décoratives », souligne Thierry Dechezleprêtre. Les résultats de la fouille 2011, qui portait sur l’habitat de la Fontainotte, ont également été présentés (par Michiel Gazeenbek de l’institut national de recherches archéologiques préventives), ainsi que les différents céramiques et enduits peints trouvés sur le site.