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Homo sapiens et Neandertal ont coexisté

Marc Mennessier

Source - http://www.lefigaro.fr/sciences/2012/10/29/01008-20121029ARTFIG00540-homo-sapiens-et-neandertal-ont-coexiste.php

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Reconstitution d'une famille d'hommes de Neanderthal en Croatie (Illustration).Crédits photo : © Nikola Solic / Reuters/REUTERS

Selon de nouvelles datations, le second s'est inspiré des techniques plus élaborées du premier.

La manière dont les néanderthaliens européens ont été supplantés par les premiers hommes modernes (Homo sapiens) venus d'Afrique et du Proche-Orient, entre - 50.000 et - 40.000 ans, a toujours suscité un vif débat dans la communauté scientifique. Notamment depuis la découverte il y a une cinquantaine d'années, dans la grotte du Renne à Arcy-sur-Cure (Yonne), par le célèbre préhistorien français André Leroi-Gourhan, d'outils et d'objets de parure en os assez sophistiqués appartenant à la culture dite du châtelperronien. Autrement dit, une «industrie de transition» entre ce que les néanderthaliens fabriquaient depuis des centaines de milliers d'années (des bifaces en silex assez grossiers), et les assemblages très élaborés confectionnés par les nouveaux arrivants. La découverte, au milieu de ces objets hybrides entre deux cultures, de restes d'hommes de Neandertal, aussi bien dans la grotte du Renne que dans celle de Saint-Césaire (Charente-Maritime), suggère fortement que ces derniers en étaient les auteurs. Ont-ils été influencés par les premiers hommes modernes avec qui ils auraient été en contact? Ont-ils, au contraire, réalisé ce saut technologique par eux-mêmes? Ou bien s'agit-il, tout simplement, d'objets façonnés par les premiers Homo sapiens arrivés en Europe?

«La seule façon de résoudre la question était de procéder à une datation la plus précise possible du matériel retrouvé dans les deux grottes», explique Jean-Jacques Hublin, directeur du département d'anthropologieévolutionnaire de l'Institut Max-Planck, à Leipzig (Allemagne), qui vient de s'atteler à la tâche en collaboration avec des chercheurs du CNRS et de l'Inrap. «Il y a encore cinq ans, cela aurait été techniquement impossible», poursuit M. Hublin. En effet, au-delà de 30.000 ans le peu de carbone 14 qui reste est fréquemment contaminé par des poussières plus récentes. En recourant à la spectrométrie de masse par accélérateur, une technologie très récente, les chercheurs de Leipzig, sont parvenus à contourner cet écueil.

Un processus complexe

Leurs datations très précises, publiées ce lundi dans la revue américaine PNAS, montrent sans ambiguïté que les objets de parures châtelperroniens et les ossements néanderthaliens retrouvés dans les deux grottes sont contemporains, entre - 44.500 ans et - 41.000 ans. «Cela va être difficile maintenant de soutenir que Neandertal ne les a pas fabriqués», souligne M. Hublin qui note qu'au même moment on trouve les traces des premiers hommes modernes, ou aurignaciens, dans le sud de la France, en Italie et en Allemagne.

«On peut en conclure que les derniers néanderthaliens européens ont coexisté géographiquement pendant quelques milliers d'années avec les aurignaciens, sans dire pour autant qu'ils ont cohabité, conclut le chercheur. Peut-être ont-ils seulement vu les objets dont ils se sont inspirés pour produire le châtelperronien, sans jamais voir ceux qui les ont fabriqués. Un peu d'hybridation par endroits, un remplacement pur et simple ailleurs, une acculturation comme dans le cas du châtelperronien: la supplantation de Neandertal par Homo sapiens a été un processus complexe. L'Europe est le seul endroit ou l'on voit les modalités de ce remplacement à l'œuvre.»

 

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