CNRS
Source - http://www.cnrs.fr/inee/communication/breves/b022.htm
Une molaire identifiée parmi des fossiles Homo sapiens trouvés à Ishango, en République démocratique du Congo, crée l’émoi dans la communauté scientifique : elle appartiendrait en réalité à un humain archaïque ayant vécu entre 2,5 et 2 millions d’années avant notre ère. C’est la première fois qu’un Homininé aussi ancien est trouvé en Afrique centrale.
Les analyses par imagerie (en bas) le confirment : la molaire de la collection d’Ishango présente les caractéristiques morphométriques d’une dent appartenant à un Homininé de la période de transition Plio-Pléistocène (entre 2,5 millions et 2 millions d’années). © Isabelle Crevecoeur / IRSNB
C’est une découverte qui relativise le scénario jusqu’alors favorisé de l’apparition des premiers Homininés, selon lequel les premiers hommes se seraient mis debout dans la savane, à l’est du Rift africain. La molaire issue de la collection d’Ishango, attribuée par une équipe internationale de chercheurs à un Homininé vieux de 2,5 à 2 millions d’années, est en effet le premier fossile aussi ancien trouvé en Afrique centrale : « ce site exploré dans les années 50 puis 80 se situe sur le bord ouest du Rift, en lisière de forêt, dans l’actuelle République démocratique du Congo », précise Isabelle Crèvecœur, la paléo-anthropoloque du CNRS à l’origine de la découverte publiée dans PLOS ONE.
C’est en voulant décrire la collection de fossiles sapiens d’Ishango, datée entre 25 000 et 20 000 ans avant notre ère et conservée à l’Institut royal des sciences naturelles de Belgique, que la chercheuse a eu les premiers doutes. Parmi la centaine de fossiles répertoriés – tibias, humérus, mandibules… -, se trouve une molaire qui ne ressemble pas à une dent d’Homo sapiens, mais plutôt à celle d’un Australopithèque. « La conformation des dents est un marqueur génétique fort dans la lignée humaine » explique Isabelle Crèvecœur, qui décide alors de mener avec les meilleurs spécialistes une étude de morphométrie géométrique de la molaire.
Les résultats sont sans ambiguïté : l’examen par imagerie de la jonction émail-dentine (la zone de contact entre l’émail qui recouvre la dent et les tissus internes) et sa comparaison avec 68 dents d’Homininés, des plus anciens à l’Homme moderne, confirme que la molaire appartient à un individu ayant vécu entre 2,5 millions et 2 millions d’années avant le présent. « La présence du fossile dans la couche de 25 000 ans serait liée au remaniement géologique d’une couche plus ancienne sous-jacente », indique la chercheuse. Impossible, en revanche, d’attribuer la dent plus précisément : « ni vraiment Australopithèque, ni Paranthrope (un Homininé ayant vécu en Afrique entre 2,7 millions et 1 million d’années), ni clairement attribuable aux premiers représentants du genre Homo, ce fossile suggère que la diversité des premiers représentants de la lignée humaine était probablement plus complexe que celle imaginée jusqu’à présent », conclut Isabelle Crevecoeur.
Références
First early hominin from Central Africa (Ishango, Democratic Republic of Congo), publié dans PLOS ONE le 10 janvier 2014 par I. Crevecoeur, M. M. Skinner, S. E. Bailey, P. Gunz, S. Bortoluzzi, A. S. Brooks, C. Burlet, E. Cornelissen, N. De Clerck, B. Maureille, P. Semal, Y. Vanbrabant et B. Wood.