Une sépulture collective livre des clés sur la néolithisation tardive du sud Caucase
Communiqué du Muséum National d’Histoire Naturelle
Source - https://www.hominides.com/la-sepulture-collective-de-mentesh-tepe-informe-sur-le-role-des-mouvements-de-population-dans-la-neolithisation/
Le Néolithique, qui se caractérise par l’adoption d’un mode de vie agropastoral sédentaire chez les humains, est apparu tardivement dans la région du sud du Caucase. Les traces les plus anciennes y datent du début du sixième millénaire avant notre ère, soit près de 3 000 ans après le reste du Croissant fertile. Des analyses génétiques menées sur les ossements d’une fosse funéraire du site de Mentesh Tepe, en Azerbaïdjan, par Céline Bon et Perle Guarino-Vignon, chercheuses au laboratoire Éco-Anthropologie (MNHN/CNRS) et leurs collègues, éclairent cette transition et mettent en lumière le rôle des mouvements de population dans la néolithisation.
Une sépulture collective livre des clés sur laPhotographie de MT23 et MT26 les deux frères selon l’étude génétique (credit L. Pecqueur)
Le site de Mentesh Tepe, situé dans la vallée de la Kura en Azerbaïdjan, appartient à la culture Shomu-Shulaveri, qui se distingue notamment par ses habitats circulaires en briques crues et ses céramiques aux décors en relief. Au cœur de ce site, fouillé entre 2008 et 2015 par une équipe franco-azerbaidjanaise, se trouve une intrigante sépulture collective contenant une trentaine d’individus, principalement des femmes et des enfants, suggérant un événement dramatique comme une épidémie, une famine, ou un incendie.
Tombe collective © L. Pecqueur – Mission Mentesh Tepe
Une analyse paléogénétique, menée sur des membres de cette sépulture, a permis d’étudier l’ADN de quatre individus (dont trois génomes ont été séquencés spécifiquement dans le cadre de cette étude) et de révéler des liens de parenté. Parmi eux, deux adolescents, inhumés enlacés dans les bras l’un de l’autre se sont révélés être des frères.
La néolithisation tardive de la région
Mais l’étude permet surtout d’éclairer les mécanismes de la néolithisation tardive de la région. En effet, la néolithisation peut être le résultat soit d’une acculturation (lorsqu’une population s’approprie les innovations utilisées par un groupe voisin, comme ce fut le cas en Anatolie), soit d’un processus d’assimilation, impliquant migrations et mélanges de populations (comme ce fut le cas en Europe). Or les individus de ce site, s’ils partagent une partie de leur patrimoine génétique avec les chasseurs-cueilleurs précédemment présents dans les montagnes du Caucase, avaient reçu, depuis quelques générations (entre dix et vingt) un flux de gènes provenant de groupes apparentés aux premiers agriculteurs anatoliens et de Mésopotamie. Ces résultats concordent avec ceux issus de l’archéologie, qui montrent, dans la culture néolithique Shomu-Shulaveri, la présence de traits culturels apparentés aux cultures contemporaines de l’est de l’Anatolie et de Mésopotamie.
La comparaison avec des groupes du sud Caucase postérieurs à celui étudié ici, montre qu’à la fin du Néolithique, d’autres métissages se sont produits, cette fois avec des groupes provenant du nord Caucase, et apparentés aux populations des steppes présentes dans l’ouest de l’Asie.
L’étude de ce site montre donc l’importance des mouvements de population dans la protohistoire du Sud Caucase : ces phénomènes de migrations et métissages sont à l’origine de la grande diversité ethnique et culturelle de la région.
Genome-wide analysis of a collective grave from Mentesh Tepe provides insight into the population structure of early neolithic population in the South Caucasus, Communications Biology 6, 319 (2023)