Marseille : le décret qui fait des remous dans l'archéologie sous-marine
Agathe WESTENDORP
Source - http://www.laprovence.com/article/region/marseille-le-decret-qui-fait-des-remous-dans-larcheologie-sous-marine
Publié en janvier, un texte redéfinit les modalités de la pratique de la plongée professionnelle
La plupart des structures relatives à l'archéologie sous-marine sont basées à Marseille, comme le Drassm, dont les plongeurs fouillent ici une épave dans la rade. Photos T.G. et F.P.
Le père de César voit rouge. Enfin, comme nombreux de ses collègues, Luc Long, archéologue et conservateur au Drassm (Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines), s'inquiète quant à l'organisation future des fouilles subaquatiques et sous-marines. Dans la ligne de mire, le décret nº2011-45 du 11 janvier dernier, relatif à la protection des travailleurs intervenant en milieu hyperbare, cosigné par les ministères du Travail, de l'Écologie, de l'Enseignement supérieur, de la Culture, de la Défense, des Sports, de l'Intérieur et de la Pêche.
"Pour organiser les fouilles, on passe devant la commission de dérogation mise en place notamment avec l'INPP (Institut national de plongée professionnelle), le ministère du Travail et le Drassm. Mais cela pourrait être supprimé dès 2012. Or, avec la mise en place de la législation sur la plongée professionnelle, les scaphandriers vont devoir passer des diplômes spécifiques qui vont coûter chers. Et la pépinière d'étudiants que l'on recrute pour les fouilles ne peut pas se permettre de payer ces diplômes. Et moi, si je dois recruter des scaphandriers professionnels, c'est pas le même prix ! Et s'il faut former des gens, comment est-on sensé s'organiser en un an ? Avec quels moyens ? Alors qu'on est en sous-effectif ! Tout ça pourrait tuer l'archéologie sous-marine."
Au Drassm justement, on veut apaiser les esprits : "Il est vrai que, jusqu'à présent, on pouvait obtenir un certificat d'aptitude à l'hyperbarie. Nous sommes dans une période de transition. Le nouveau décret ne prévoit plus de dérogation et la définition du mot bénévole ne sera plus la même : on n'aura que des gens brevetés. Cela veut dire qu'il faut mettre en place un circuit professionnel et l'amateur sportif devra passer une certification. Le système sera donc moins souple mais, surtout, cela va nous obliger à mettre en place un système de formation qui devrait être opérationnel en 2012", explique Patrick Grandjean, conservateur au Drassm en charge du dossier avec Michel L'Hour.
Pour l'instant, aucun décret d'application n'a vu le jour. Et le cadre d'application demeure donc très flou, tout comme la mise en place même des formations et leurs tarifs. "Déjà, on ne va pas faire de dérive commerciale. Soit il y a création d'une école par le Drassm, soit nous déléguons. Il existe déjà divers organismes qui font de la formation comme le Grasm.
C'est un gros dossier : il faut définir les critères, qui peut former et comment." Et pour cause: qui dit formation dit formateurs et locaux ad hoc. Mais Patrick Grandjean se veut confiant: "On ne va pas couper l'herbe sous le pied aux archéologues en devenir". Paul Gavarry, à la tête de l'INPP, située à La Pointe-Rouge à Marseille, rappelle que ce qui va surtout changer, ce sont les limites d'intervention.
"Une classe 1 ne pourra plonger qu'à 30 m (au lieu de 40 m) et une classe 2 à 50 m au lieu de 60 m. On s'est aligné sur l'Europe et on a remis un peu d'ordre dans les spécialités. Il va d'ailleurs falloir créer un nouveau poste dans chaque entreprise: un coordinateur de sécurité hyperbare qui va aider l'employeur pour l'analyse des risques notamment. Dans les petites sociétés, on pourra cumuler les fonctions comme avec celle de chef d'opération hyperbare". Concernant les fouilles archéologiques, Paul Gavarry prévoit toujours des autorisations provisoires de plongée sur un chantier: "A priori ça ne changera pas tout de suite. On ne va pas demander à la France entière de passer de nouvelles formations. Ce sera d'abord aux encadrants à le faire". À suivre.