Olivier Renault
Source - http://www.ouest-france.fr/2013/07/29/le-mans/L-etrange-affaire-des-sepultures-des-Jacobins--65647494.html
Les fouilles menées aux Jacobins avant la construction de l'espace culturel ont révélé un site assez exceptionnel. Désormais, les pièces parlent au laboratoire où se mènent des enquêtes étonnantes.
Le moule de bronzier a servi à faire une statue
Un rare moule de bronzier du II e siècle après Jésus-Christ, figure parmi les grandes découvertes faites sur le site des Jacobins en 2010 et 2011, par les archéologues de l'Institut national de recherche en archéologie préventive (Inrap). Remarquablement conservé et relevé avec soin, le moule du Mans a donné de nouvelles informations en laboratoire.
« Il a très probablement servi à la réalisation d'une statue humaine à l'échelle 1/2, explique l'archéologue Pierre Chevet qui a dirigé le chantier pour l'Inrap. Sans doute une divinité destinée à prendre place sur le temple que nous avons retrouvé juste à côté. »
Comment sait-on qu'il s'agissait d'une forme humaine ? « Tout simplement parce que nous avons retrouvé des morceaux de moules qui ont servi à faire une tête, un torse et un bras. Mais ce sont des histoires de « volumes ». Il n'y a plus de « formes ». C'est-à-dire qu'il est impossible de retrouver les traits du sujet. »
Les tablettes de défixion : seule la divinité a compris !
Sur le site, les chercheurs ont mis au jour un bassin dédié à une divinité. Dans ce bassin, se trouvaient encore de très nombreux petits objets et pièces de monnaie destinés à « appuyer » les demandes auprès du dieu ou de la déesse du coin.
C'est aussi là qu'a été découverte une quinzaine de tablettes de défixion : des plaquettes de plomb sur lesquelles était souvent gravé un mauvais sort. Une fois dépliées au laboratoire, sept d'entre elles ont révélé des inscriptions.
Le problème, c'est que ces sorts, jetés sur le site des Jacobins un beau jour des premiers siècles de notre ère, sont indéchiffrables ! « Ils sont écrits dans un langage de magicien, poursuit Pierre Chevet. C'est incompréhensible pour nous, comme ça l'était déjà pour les Romains d'ailleurs... En revanche, la divinité qui habitait le lieu, elle, comprenait très bien ! »
Le mystère s'épaissit autour des sépultures du V e siècle
Sur l'emprise du site, les archéologues ont aussi découvert la sépulture du IV e ou V e siècle d'un homme entièrement... coupé en morceaux. « Là, c'est une affaire très très étrange, reconnaît Pierre Chevet. D'autant que depuis cette découverte, nous en avons fait une autre... On ne l'avait pas vu au moment des fouilles, mais en analysant l'un des squelettes, de la même époque, relevés sur le site, nous avons constaté qu'il avait été tué, lui aussi de façon violente. Il a été transpercé par un sabre au niveau des côtes... »
Le mystère s'épaissit donc autour de ce « cold case » peu ordinaire. On peut d'ailleurs s'attendre à des rebondissements car il va faire ressurgir le vieux dossier de la nécropole fouillée au moment des travaux de la cité judiciaire et du centre des Jacobins. Les sépultures découvertes alors seront réétudiées de près. Car, déjà à l'époque, certaines d'entre elles avaient intrigué les archéologues.