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Les mystères de la Vénus de Condate, découverte au fond d'une carrière antique de Rennes

Simon Cherner

Source - https://www.lefigaro.fr/culture/patrimoine/les-mysteres-de-la-venus-de-condate-decouverte-au-fond-d-une-carriere-antique-de-rennes-20230311

F4f84b61f65de4252816c6e9ff0795eacef87d7b0d6588a0451f69cec16523fbLa Vénus anadyomène gallo-romaine découverte sur le chantier de fouilles rennais. Emmanuelle Collado, Inrap
La déesse sortie des eaux était cachée dans les tréfonds d'une carrière de pierre. Depuis janvier, à quelques dizaines de mètres seulement de l'ancienne cité gallo-romaine de Condate, qui deviendra Rennes, une équipe de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) met au jour une antique carrière de schiste. Cette opération menée rue d'Antrain permet de documenter le site dont les roches ont servi à l'édification de la ville, au Ier siècle de notre ère. Une fulgurance érotique inattendue s'est pourtant glissée sur ce chantier dédié à l'industrie antique et à l'archéologie du geste ouvrier. Une apparition pour le moins surprenante attendait les archéologues dans le fond de la cuvette du site : Vénus, dans son plus simple appareil.

Merveilleusement préservée, la petite figurine en terre cuite représente la déesse de la beauté et de l'amour nue, un vêtement ou une serviette à la main gauche, la main droite perdue dans une natte de sa chevelure. Très recherchée, sa coiffure haute et extravagante semble nouée, derrière la tête, par un ruban. Représentation anadyomène de la déesse, c'est-à-dire sortant des eaux, la Vénus de Condate jure avec les autres vestiges et fragments de la fouille. «Elle se trouvait sur la couche la plus ancienne du site, et paraît avoir été déposée intentionnellement au fond de la carrière, raconte Nicolas Ménez, responsable scientifique de l'opération de fouilles menée par l'Inrap. C'est très étonnant. Est-ce qu'elle s'est retrouvée à cet endroit au cours de l'exploitation du site, ou après ? Nous ne le savons pas encore».

Haute de dix centimètres environ, la Vénus de Condate découverte en février appartiendrait à un laraire, un petit autel domestique où une famille vénérait les lares, divinités du foyer. Elle a été façonnée dans une terre blanche de Bourgogne, une argile particulière et bien documentée. Tous les ingrédients d'un objet somme toute assez banal, du moins excepté son charme singulier et son intrigant contexte de découverte. «On trouve régulièrement ce genre de statuettes au cours de nos opérations de fouille, mais elles sont rarement aussi bien conservées, et aussi particulières que celle-ci», explique Nicolas Ménez.

D9035491c43ef8945d2a3c32c1ec1bdfe42e97e213ea6778ccfb762928e41f7eVue aérienne du chantier de fouille de la rue d'Antrain. Commencée en janvier, l'opération confiée à l'Inrap devrait s'achever fin mars. Myphotoagency, Thibault Beguet

D'après les premières estimations, la Vénus de Condate serait datée de la fin du Ier siècle ou du début du IIe siècle ; une datation renseignée notamment par la riche coiffure de la déesse, d'un raffinement très prisé à l'époque, comme l'attestent les monnaies, la sculpture ou encore quelques fresques antiques. La figurine sera nettoyée, examinée et mise en série avec d'autres objets du même genre après la fin du chantier, lors des opérations de post-fouille. «La phase d'étude du mobilier nous indiquera si la statuette était polychrome, par exemple. C'est pourquoi nous ne l'avons pas encore nettoyée, nous voulions préserver les éventuelles traces de pigments, note Nicolas Ménez. Nous n'en sommes encore qu'au début de l'histoire de cette Vénus !».

Sauvée du schiste

D'ici là, les archéologues de l'Inrap ont encore jusqu'à la fin du mois de mars pour achever leur fouille de la carrière antique, excavée à Rennes, au milieu du quartier de Fougères-Sévigné. Les Romains y ont exploité le schiste, sur près de deux mètres, entre le Ier et le IIe siècle de notre ère. Pierre tendre et friable, contrairement au calcaire ou, mieux encore, au marbre, le schiste n'était pas employé pour fournir des blocs aux monuments de la ville, mais plutôt pour asseoir les fondations de divers bâtiments, et pour servir de mortier. Le matériau était également utilisé à la construction des rues de Condate.

Prescrite sur une surface de 3250 m2, la fouille préventive a été organisée en amont d'un projet d'aménagement porté par Bouygues Immobilier. L'ancienne carrière romaine s'étendait sur une aire plus vaste encore, estiment les chercheurs, qui suggèrent que ce site d'extraction se poursuit vraisemblablement sous l'école primaire voisine. Élément important de l'économie originale de Condate, la carrière abandonnée se transforme notamment en dépotoir, en raison de sa situation en périphérie de la ville et de sa forme en cuvette.

Cette décharge ancienne a livré quantité de vestiges des poubelles de Condate, dont plusieurs «dizaines de kilos de fragments de vaisselle en céramique». En dehors de la Vénus anadyomène, les archéologues ont aussi mis au jour les fragments d'une statuette de déesse mère et différents petits objets, tels que des éclats de verre, quelques monnaies, des jetons. Ces ensembles se trouvaient quelques couches au-dessus du fond de la carrière, et sont ainsi postérieurs à l'abandon de ce site proto-industriel antique.