Les vertus de la copie dans l'art
La pratique de la copie a longtemps permis aux artistes de se perfectionner et, aujourd'hui, le salut de certaines oeuvres.
Source - http://www.lepoint.fr/culture/les-vertus-de-la-copie-dans-l-art-15-06-2011-1342180_3.php
Les motifs pariétaux de la salle des taureaux sont les plus imposants de l'art paléolithique. Ils ont été reconstitués en 1983 dans Lascaux II. © Lionel Bonaventure / AFP
Imaginez-vous au coeur d'une Acropole reconstituée, au pied d'un sphinx au nez retrouvé ou dans les chimériques jardins suspendus de Babylone... Ce sera peut-être un jour possible au regard de la tendance actuelle qui veut que de nombreux sites, monuments, statues, objets ou peintures exposés au public sont des copies. Les conservateurs se méfient, en effet, de la pollution, des intempéries, des petites manies du public et préfèrent mettre les oeuvres à l'abri de toute dégradation. Les statues des dieux grecs dans les musées ? Des copies de l'époque romaine. La grotte de Lascaux ? Une reconstitution en béton. Les exemples du genre sont légion... Sur la place Saint-Marc à Venise, les quatre statues équestres antiques du sommet de la basilique qui ornait autrefois l'hippodrome de Constantinople ont ainsi été remplacées par des copies, la pluie et le froid ayant eu raison des chevaux de cuivre.
Les visiteurs et touristes ne se rendent pas toujours compte qu'ils ont à faire à des répliques. Souvent, cela ne leur est même pas précisé, une vérité protégée comme un secret par les conservateurs, qui craignent que le public ne vienne plus voir et admirer de "simples copies".
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Quand la copie dépasse le maître
Copies pourtant parfois essentielles à la survie des oeuvres. C'est parce que la Chambre des époux de Mantegna est l'une des plus belles oeuvres de son temps que l'historien André Chastel avait demandé que l'on en fasse une réplique pour le "vulgum pecus" des touristes. C'est pour sa préservation que ce spécialiste de la Renaissance italienne avait osé émettre une idée qui a horrifié Olivier Bonfait, professeur à l'université de Provence Aix-Marseille 1 et président de l'APAHAU (Association des professeurs d'archéologie et d'histoire de l'art des universités), qui reconnaît néanmoins avoir évolué sur sa position. "Il vaut mieux peut-être circuler dans une chapelle Scrovegni copiée parfaitement que de ne pouvoir rester plus de cinq minutes en suivant un circuit imposé dans l'original." C'est pour des raisons identiques qu'en 1983 fut construite la grotte de Lascaux II, qui accueille plus de 300 000 personnes par an. Une réplique qui offre la même émotion que l'original.
Car la copie ne relève pas seulement d'une histoire du faux, mais d'une tradition qui a joué un rôle important dans l'histoire de la production artistique et de sa diffusion. Les répliques ont leur propre histoire et il arrive qu'elles deviennent elles-mêmes une oeuvre. Exemple type : la collection des bronzes de Fontainebleau, mondialement connue, est ainsi entièrement composée de répliques faites sur commande pour François Ier. Olivier Bonfait salue "la qualité et l'exactitude des copies". "Elles réussissent à n'être plus seulement le support de l'instruction, comme le musée des Copies de Charles Blanc au XIXe siècle, mais à susciter l'émotion. Nous (les archéologues et les historiens) cherchons toujours à l'éviter."
Le professeur craint qu'à l'avenir les avancées technologiques comme "les modélisations 3D auxquelles sera habitué le public imposent les restitutions", alors même que "la beauté d'une ruine est qu'elle est ruine".