INRAP / Photos: Inrap 2013
Source - http://www.inrap.fr/archeologie-preventive/Actualites/Communiques-de-presse/p-17133-Portes-ouvertes-dimanche-8-decembre-2013-A-Mauguio-Herault-une-fouille-archeologique-fait-ressurgir-la-vie-des-paysans-du-haut-Moyen-Age.htm
Dans le cadre de l’aménagement de la future ligne à grande vitesse du contournement de Nîmes et Montpellier par Oc’Via, l’État (Drac Languedoc-Roussillon) a prescrit une fouille préventive afin d’étudier les vestiges du site de Lallemand, à Mauguio. Depuis le début du mois d’octobre, une équipe d’archéologues de l’Inrap met ainsi au jour les abords immédiats d’un hameau du haut Moyen Âge (environ 500 à 900 de notre ère), caractérisés par la présence de caves, d’une bergerie, de nombreux fossés, d’une cinquantaine de tombes, mais surtout de plus de cinq-cents silos voués au stockage des récoltes.
Si la zone étudiée, de plus de deux hectares, ne révèle par le hameau lui-même, situé hors de la surface concernée par les aménagements de la ligne ferroviaire, elle permet de lever le voile sur les pratiques agricoles et la vie de paysans qui pendant quatre siècles ont su mettre en valeur les riches terres de la plaine melgorienne.
Une aire de stockage agricole
La fouille du site de Lallemand permet d’étudier un très vaste quartier de stockage des céréales, implanté aux abords orientaux d’un hameau. Cet espace de près de 10 000 m² est divisé en secteurs, limités par des fossés, qui regroupent au total près de 550 silos. Il s’agit de fosses creusées en terre pour accueillir les récoltes céréalières, ainsi conservées à l’abri de l’air et de la plupart des nuisibles, une pratique connue depuis le Néolithique. Chaque silo, dont le volume variait de 100 à près de 10 000 litres, était bouché par de grandes dalles et signalé en surface par des tertres de pierres. Ces structures offrent aux chercheurs de nombreux éléments de réflexion. Certains silos ont servi de dépotoirs après usage et livrent des éléments de mobilier (de la vaisselle en terre cuite surtout) qui constituent de précieux indices de datation : ils indiquent ici une utilisation de l’aire d’ensilage du VIe au IXe siècle de notre ère. La conservation de certains matériaux végétaux (graines, charbons de bois, pollens…) permettra aussi d’envisager, à l’issue d’études complémentaires, la reconstitution du paysage de l’époque et l’identification des pratiques agricoles, en termes de variétés cultivées, de rendements ou encore de saisonnalité.
Des fossés et tombes qui jalonnent le paysage
Trois ensembles sépulcraux distincts se dégagent sur la fouille, tous associés aux limites fossoyées de parcelles agricoles vouées à la pâture, aux cultures ou à l’ensilage. Le premier (au nord) est constitué d’une rangée de 25 inhumations, certaines antérieures, d’autres postérieures au fossé bordier d’un chemin. 200 mètres plus au sud, six autres inhumations ont été fouillées. Distantes d’une dizaine de mètres les unes des autres, elles bordent un fossé qui enclot la zone de stockage de céréales, témoignant de l’étroite imbrication entre les espaces dédiés aux morts et les aires d’activité des vivants.
À l’extrémité sud de la fouille, un troisième pôle rassemble 25 tombes, là encore, alignées le long d’un fossé. Sans doute avaient-elles vocation à souligner cette limite de parcelle, peut-être à borner une propriété. L’étude de la chronologie de ces ensembles, de leurs liens avec les autres vestiges et de leur participation à la structuration du paysage médiéval sont autant de problématiques explorées par les archéologues.
Le hameau, cadre de vie de la communauté pendant le haut Moyen Age
Cinq puits, deux caves et une bergerie sont, dans la superficie fouillée, les seuls témoins observables d’un habitat qui s’étend vers l’ouest, au-delà de la RD112. Pendant le haut Moyen Âge, le cadre de vie de la communauté est le hameau. Ces habitats agglomérés regroupent les infrastructures domestiques et économiques. Cette économie reste principalement agricole dans la région, mais aussi artisanale. Contrairement aux villages languedociens d’aujourd’hui, le hameau n’est pas encore concentré à l’intérieur d’un rempart, mais installé sur un espace ouvert assez vaste qui accueille aussi des cours, des enclos - les fossés sont omniprésents à Lallemand -, des jardins, des voies de circulation et des aménagements manifestement communautaires, tels les quartiers dévolus à l’ensilage.
Une période encore très peu documentéepour le Languedoc
Au-delà de ce tableau très général, l’habitat altomédiéval reste mal connu. Les hameaux des VIe-VIIIe siècles sont très rares en Languedoc, peu étudiés, et leur histoire reste à écrire. De ce fait, nous ne savons pas comment ils succèdent aux villas antiques dont ils semblent pourtant bien reprendre les terroirs ou une partie des terroirs. Si nous arrivons à les présenter à grands traits entre le IXeet le XIe siècle, leur genèse et leur forme originelle restent méconnues.
Aux IXe-Xe siècles, une nouvelle dynamique de peuplement semble se mettre en place, avec une nette tendance au regroupement de l’habitat autour de l’église ou du château. L’établissement de Lallemand ne semble pas échapper à cette règle, puisque son déclin coïncide, peu avant l’an Mil, avec l’émergence de Mauguio, un bourg qui se développe alors deux kilomètres plus au sud. A partir du Xe siècle, la motte castrale va constituer lemoteur politique et économique d’un regroupement important et conduire à la perte d’influence des habitats périphériques. La motte féodale circulaire de Mauguio, toujours visible au cœur de la ville, abrite le chef-lieu du comté de la puissante famille de Melgueil, qui y frappe le denier melgorien, l’une des principales monnaies du Midi français jusqu’à la fin du Moyen Âge.
Aménagements : Oc’Via
Contrôle scientifique : Service régional de l’Archéologie (Drac Languedoc-Roussillon)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Liliane Tarrou, Inrap