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Molène (France): Le trésor de l'île

Steven Le Roy

Source - http://brest.letelegramme.fr/local/finistere-nord/brest/ville/archeologie-le-fabuleux-tresor-de-molene-21-05-2013-2109276.php

Entamé à l'aube du nouveau millénaire, le chantier archéologique de Molène s'est achevé à l'été 2011. L'importance des résultats reste méconnue en dehors du cercle des initiés, mais c'est bel et bien un véritable trésor qu'a découvert Yvan Pailler sur l'archipel.

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Photo DR

Yvan Pailler est aujourd'hui devenu archéologue professionnel à l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). Mais en 2000, il était encore jeune thésard sous la houlette de Pierre Goletquer quand un autre jeune étudiant lui a fait part de son intention de travailler sur le mégalithisme en Bretagne. Le sujet n'était pas si nouveau. À la fin du XIXe siècle, Paul Du Chatelier, richissime bourgeois basé à Pont-l'Abbé avait déjà retourné en fouilles une bonne partie de la Bretagne occidentale. Lors de ses périples, il avait ainsi passé deux jours sur l'archipel de Molène et recensé aisément une multitude de monuments funéraires. Puis, il s'en était allé. « Nous sommes partis de ce document, se souvient Yvan Pailler, et quand nous sommes arrivés sur l'île, la plupart de ses observations restaient exactes. Il faut dire que les îles sont des sites rêvés car elles n'ont pas connu la mécanisation agricole ».

Les clés à Beg-ar-Loued

L'équipe recense, sonde, découvre une centaine de monuments avec cette certitude en forme de lapalissade : là où les gens sont morts, c'est qu'ils y ont vécu. « Anne Tresset, une archéo-zoologue du CNRS, m'a encouragé à continuer les fouilles, rapporte Yvan Pailler. À l'époque, en effet, la préhistoire bretonne souffrait de graves lacunes en matière de faune. On ne savait presque rien de l'économie de subsistance de ceux qui vivaient à cette époque ». Le site de Beg-ar-Loued, à Molène, va lui donner les clés. Un an après avoir fouillé un « dépotoir où s'entreposaient des milliers de coquillages qui rendent basique une terre acide et permettent une bonne conservation », l'équipe menée par Yvan Pailler marche quelques mètres plus haut que l'estran et sonde à l'aide de relevés et de ce qu'il faut de chance.

La maison inespérée

« Et nous sommes tombés sur des pierres, puis sur un mur mettant en évidence une maison construite en pierres sèches ». La découverte. « Au nord de la Loire, pour l'époque courant du Néolithique à l'âge de Bronze, à savoir de moins 5000 avant J.-C. à moins 800 avant J.C., nous ne connaissions que des maisons en bois. Celle de Molène est la première », rapporte l'archéologue qui a eu toutes les peines du monde à convaincre ses pairs de la formidable découverte. « Ils pensaient que c'était un monument funéraire affaissé mais pas une maison, et nous, nous n'étions que des minots inexpérimentés ». Les plus grands chercheurs se penchent sur la question, « je les ai faits ch... », rigole Yvan Pailler. Le carbone 14 arrive à la rescousse. Les fondations de Beg-ar-Loued sont bien celles d'une maison « avec des murs de 1,4 m et de dix à onze assises de pierre. Quand on sait qu'à Plouhinec, il y a quatre assises... », rapporte le chercheur qui ne comprend toujours pas pourquoi ce site n'a pas bénéficié d'une large promotion, une fois les fouilles financées par le conseil général, le ministère de la Culture et l'Inrap, « qui m'a détaché deux ans », achevées.

Triplement exceptionnel au moins

Car en de pareils cas, le terme d'exceptionnel n'est pas galvaudé. Exceptionnel dans le nombre de silex retrouvés, « le plus volumineux de toute l'Europe atlantique ». Exceptionnel par les milliers de restes de poissons, « là encore la plus grosse collection de l'Europe de l'ouest, qui indique de plus que les Molénais de l'époque ne pêchaient sans doute pas en mer mais de la côte. Il est en outre tout à fait possible qu'ils disposaient de pêcheries fixes ». Exceptionnel encore car le travail de fourmi de l'équipe d'archéologues a permis de lever le voile sur le mode de vie d'« agriculteurs sédentaires qui avaient pourtant des échanges avec le continent. Les céramiques trouvées sur le site sont semblables à celles trouvées 300 km plus loin ».

Le phoque gris sème la zizanie

Avec certitude, les explorateurs du temps indiquent que Molène accueillait, en moins 2000 avant J.-C., des cochons, des bovins, des moutons et que sa culture développait au moins le froment, la fève, l'orge et les pois. « Le plus drôle, se souvient Yvan Pailler, est que nous avons entamé nos fouilles au moment de la tension lors la création du parc marin. Les antis accusaient alors les écolos d'avoir introduit sciemment le phoque gris en mer d'Iroise. Au même moment, nous découvrions sur place des dents de phoque gris vieilles de 4.000 ans ». Et tout cela sans compter quelques traces de métallurgie bien avant l'âge de Fer. Sans nul doute, il y a d'autres vestiges dans les îles du Ponant, « cet archipel est infernal. À chaque grattouillage, on trouve ». Yvan Pailler grattouillera-t-il encore là-bas ? « Peut-être. Molène va peut-être nous revoir un jour ».