INRAP
Source - https://www.inrap.fr/archeologie-du-littoral-ouistreham-calvados-17341
Une occupation au Néolithique ancien
Le site du Planitre est fréquenté par les humains depuis longtemps, comme l’attestent les nombreux vestiges datés du Néolithique ancien (vers 4800- 4700 av. J.-C.), disséminés sur l’emprise de fouille. L’occupation de la bande littorale par ces groupes « pionniers », premiers agriculteurs à s’installer dans la région hors des grandes vallées fluviatiles, est assez classique. Ils sont attirés par la richesse du contexte maritime (poissons, coquillages) et par la présence de terres cultivables. À cette période, la plage est distante de quelques kilomètres du front de mer actuel, le niveau de la mer étant plus bas qu’aujourd’hui.
Une fosse néolithique peu profonde a livré un riche mobilier, témoignant de la vie quotidienne il y a 6 000 ans : tessons de poteries en céramique, outils de mouture des céréales et près de 900 silex taillés. En plus de l’outillage typique de cette période (lames, faucille, etc.), certains perçoirs auraient pu permettre la fabrication de perles en coquillage. Les archéologues ont en outre identifié des éléments de parure, en particulier des bracelets ou fragments de bracelets en schiste. Caractéristiques du Néolithique ancien, ils se portaient au-dessus du coude. Provenant de différents secteurs de Normandie, ils témoignent de la richesse des échanges dès cette époque.
Reconstitution de l’utilisation d’une meule à va-et-vient. © Laurent Juhel, Inrap
Une occupation très structurée à l’âge du Bronze ancien
La principale occupation du site a lieu pendant l’âge du Bronze ancien, entre 1950 et 1650 av. J.-C. Durant ces trois siècles, vont se succéder deux réseaux parcellaires. Le premier date de 1950-1800 av. J.-C. Trois axes parallèles, espacés de 45 mètres, sont orientés du nord-est au sud-ouest et se rejoignent sur un fossé perpendiculaire plus important.
Le mobilier est abondant : pierres brûlées, charbons, céramiques et silex. Puis, un réseau de fossés parcellaires appartenant à une étape plus récente du Bronze ancien (vers 1800-1650 av. J.-C.) recoupe le premier réseau. Plus imposants que les précédents, ces fossés suggèrent une organisation sous la forme d’un enclos, peut-être à vocation domestique, qui se développerait à l’est de l’emprise. Cette structuration importante de l’espace laisse supposer la présence d’un pouvoir fort et d’une communauté nombreuse.
Pointe de flèche « de prestige » découverte dans un des fossés de la première phase du parcellaire, haute de quatre centimètres, typique de l’âge du Bronze ancien. © Emmanuel Ghesquière, Inrap
Une nécropole de l’âge du Bronze ancien
Entre 1900 et 1600 av. J.-C., une nécropole est installée au sein du réseau de fossés de l’âge du Bronze, à cheval sur les deux phases. L’élément le plus remarquable est un cercle fossoyé de 13 mètres de diamètre. Trois sépultures lui sont associées, l’une à l’intérieur, les deux autres creusées dans le fossé lui-même. Plusieurs autres monuments circulaires sont aussi identifiés. Ils ont la particularité d’être incomplets et regroupés dans la partie nord de la nécropole.
Au moins quatorze fosses potentiellement sépulcrales ont été mises au jour. Huit d’entre elles ont livré des restes osseux plus ou moins dégradés, parmi lesquels figurait une sépulture d’enfant. Cette découverte est assez remarquable, car les sépultures d’enfants sont en général sous-représentées dans les nécropoles de cette période. Au sud du décapage, et partiellement hors de l’emprise de fouille, deux autres structures circulaires fossoyées ont été identifiées.
Un probable atelier de bouilleur de sel à l’âge du Bronze ancien
À l’ouest de l’emprise de fouille, les archéologues ont mis au jour un fossé de plan elliptique et une fosse profonde, évoquant un probable atelier de bouilleur de sel. Par comparaison avec des structures mieux conservées (et plus récentes) découvertes à Guérande (44) ou à Dives-sur-Mer (14), on peut en effet supposer que ces vestiges encadraient un four de bouilleur. Le fossé aurait joué un rôle de drainage et la fosse profonde celle de citerne ou de bassin de concentration de la saumure. Confortant cette hypothèse, de nombreux fonds de godets à sel ont été trouvés dans le fossé elliptique. Il s’agit de récipients en terre cuite caractéristiques, dans lesquels la saumure était mise à bouillir pour produire le sel. Après évaporation de l’eau, il suffisait de briser ces godets pour obtenir des pains de sel.
Expérimentation d'un four à sel - Dominique Bossut INRAP
Le site constitue la plus ancienne trace régionale de la production de sel. Utilisée pour la conservation de produits animaux (viande, coquillages) ou encore comme complément alimentaire pour l’homme et le bétail, cette ressource constitue une source de richesse inestimable.
Les Gaulois, derniers occupants ?
Au sud de l’emprise principale, une petite fenêtre de fouille a été décapée, livrant un fossé riche en mobilier. Cette structure, liée à plusieurs autres découvertes sur la grande emprise ainsi qu’à un profond fossé identifié lors des travaux de la voirie, renseigne sur la présence d’un vaste enclos gaulois et de ses structures associées. Elle date de la fin de l’âge du Fer (250–50 av. J.-C.).
En plus des poteries domestique découvertes dans le fossé, de très nombreux bords de godets à sel, mais également des pièces techniques liées à la production de sel ont été mis en évidence. Ces éléments ne sont pas suffisants pour affirmer que le sel était produit sur place à l’époque gauloise. Ils sont plutôt le témoin d’une consommation de sel et indiquent une production proche, sans doute plus près de l’estran.
En dehors de quelques fossés romains repérés, la période gauloise marque la fin de l’occupation du site... qui sera de nouveau occupé pendant la Seconde Guerre mondiale.