Ponteau (France): mis au jour d'un village néolithique

Une campagne de fouilles archéologiques a mis au jour un village néolithique, à l'extraordinaire architecture en pierres sèches

Laetitia Gentili

Source - http://www.laprovence.com/article/actualites/2491559/ponteau-5-000-ans-dhistoire.html

Cette pierre est le symbole d'échanges avec d'autres villages, tout comme la hâche polie en roche des Alpes. Photo Serge Guéroult

Pour un néophyte, on dirait un champ de cailloux. Pour l'équipe d'archéologues qui travaillent tous les ans sur le site de Ponteau, il s'agit d'une des premières manifestations de construction en pierre de Provence.

Imaginez que sur cette zone située entre la centrale EDF et le complexe pétrochimique de Lavéra, il y a un trésor archéologique. Pas un trésor en or et en pierres précieuses, non, un de ces trésors qui font avancer la recherche, qui bouleverse l'Histoire.

Nos ancêtres préhistoriques se sont installés à Ponteau autour de 2 900 avant notre ère, ce qui correspond au néolithique final. Période durant laquelle l'homme se sédentarise.

Le choix du site

"Au premier abord, on pourrait penser que c'est un endroit répulsif car il y a un socle de roches sur le plateau, ce qui n'est pas favorable à l'agriculture. Mais d'ici on domine le passage entre les plaines fertiles de Saint-Julien et le rivage et la mer. L'économie du site est fondée sur l'exploitation des ressources terrestres, élevage et agriculture, et marines. C'est donc un choix stratégique. Un choix d'implantation dicté par la facilité d'accès aux ressources et le contrôle stratégique du territoire", explique Xavier Magarit.

Les occupants du site ont décidé de maîtriser le territoire aux alentours. "Ils sont peut-être partis en raison d'une dégradation de l'environnement", propose l'archéologue.

Son organisation

Le point fort de ce site est son architecture en pierre sèche. "La pierre, la construction en dur, est un symbole de stabilité", continue Xavier Magarit.

Il y a des bâtiments à vocation communautaire et domestique. "On a identifié une quinzaine d'espaces. Il y a des maisons, une grande bergerie - des traces de fumier animal (fraction minérale) ont été découverts -, un atelier de broyage et de torréfaction des graines - une accumulation d'environ 200 000 graines brûlées sur à peine 2m² a été relevée - et un atelier de poterie. Ponteau c'est avoir une lecture de l'organisation d'un des premiers villages de Provence", développe le responsable d'opérations.

"On peut voir l'évolution des constructions avec des agrandissements successifs. Aux vues de la quantité de vestiges et de mobiliers retrouvés, on peut dire qu'il y a une très forte activité et une poussée démographique importante", explique Maxime Orgeval, responsable adjoint.

Quelque 4 000 m² ont été ouverts lors de cette campagne de fouilles. Près de 400 outils ont été mis au jour, notamment des pointes pour travailler le cuir. Selon les hypothèses des professionnels, il semblerait qu'il y ait eu au moins plusieurs dizaines de familles sur le site de Ponteau.

Son caractère exceptionnel

Plus de 4000 outils en os ou silex ont été répertoriés. Photo Serge Guéroult

"Ce qui est fondamental ici, c'est la rare constatation, pour la période du néolithique, d'une succursale de poterie préhistorique", s'enthousiasme l'archéologue. Une meule, où un mélange d'argile et de calcite, révélé par des analyses scientifiques, a été trouvée.

Mélanger ces deux éléments durcit la poterie qui résiste mieux lors de la cuisson directe sur la flamme. "Ils préparaient les végétaux, les céramiques, faisaient leurs outils, des parures en os, pierre, coquillages, péchaient... C'est un lieu de vie, avec des activités, une vraie synthèse de cette société."

"Attention, cela ne veut pas dire qu'ils vivaient en autarcie, tient à souligner Xavier Magarit. Ils avaient des relations avec d'autres communautés, proches ou lointaines. Il y a une vraie dynamique d'importation depuis la vallée de Largue."

Des fusaïoles attestent de l'utilisation du métier à tisser sur le site de Ponteau.

Des silex d'Apt et de Forcalquier, de la roche polie des Alpes, une parure en jadéite du Mont Viso (Alpes italiennes) mettent en avant les échanges et la circulation qui existait à cette époque.

Avec ces nouvelles découvertes, commence à se dessiner une histoire de l'occupation du sol et une organisation géographique dans le secteur notamment avec le site de la Collet-Redon à La Couronne et la nécropole néolithique à Lavéra, à proximité.

Après deux mois et demi de chantier, les fouilles se terminent pour l'équipe de l'archéologue de la Drac, Xavier Magarit (). C'est le jour des dernières photos, derniers relevés mais aussi du bâchage pour protéger le site jusqu'à sa réouverture l'année prochaine. Pour l'équipe d'archéologues, le travail continue car ils doivent rendre le rapport de fouilles avant la fin de l'année. Photo Serge Guéroult