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Portbail (France): le quartier de la ville gallo-romaine mis au jour

Des connaissances plus approfondies sur le quartier de la ville gallo-romaine mis au jour à Portbail (Manche)

INRAP / Photos INRAP

Source - http://www.inrap.fr/archeologie-preventive/Actualites/Actualites-des-decouvertes/p-16201-Des-connaissances-plus-approfondies-sur-le-quartier-de-la-ville-gallo-romaine-mis-au-jour-a-Portbail-Manche-.htm

Les travaux de terrain achevés, archéologues et spécialistes poursuivent l’analyse des vestiges dans les laboratoires du centre de recherches archéologiques de l’Inrap. À travers l’étude des plans, des photographies, des inventaires et des observations sur la céramique, les monnaies et les décors, l’histoire de ce quartier et les origines gallo-romaines de Portbail vont peu à peu se dévoiler.

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La mention de vestiges antiques confirmée par les interventions archéologiques

Depuis le début du XIXe siècle, des vestiges gallo-romains ont régulièrement été signalés sur le territoire de Portbail, commune localisée sur la côte occidentale du Cotentin, face aux îles anglo-normandes. Ils se concentrent en deux secteurs distants de 800 m, l’un en bordure immédiate du havre, autour de l’église Notre-Dame, et l’autre, au nord-est, sur le plateau du village Saint-Marc. L’hypothèse a donc été émise d’une agglomération antique constituée d’une ville basse tournée sur une activité portuaire et d’une ville haute à caractère résidentiel.

En 2011, un diagnostic archéologique a confirmé la densité des vestiges gallo-romains sur le plateau. En 2012, une fouille a alors été prescrite par l’État (Drac - service régional de l’Archéologie de Basse-Normandie)  sur 7 500 m² au cœur du secteur le plus dense de la ville « haute ».

Avant la période antique

Un vase dépourvu d’anse constitue la première trace d’une fréquentation des lieux. Daté du XVIIe siècle avant notre ère, soit vers la fin de l’âge du Bronze ancien, il s’apparente par sa forme aux vases déposés avec certaines inhumations sous tertre dans la culture des tumulus armoricains. Mais ici aucun monument de ce type n’a été découvert.

En second lieu, vers la fin de l’âge du Fer, probablement dans le courant des IIe et Ier siècles avant notre ère, une occupation semble investir le rebord du plateau, à l’intérieur d’une enceinte seulement marquée sur le site par un fossé curviligne, qui a livré quelques fragments céramiques. Près d’un siècle sépare cette enceinte gauloise et la préfiguration des développements urbains gallo-romains.

Les premiers aménagements (première moitié du Ier siècle)

Les équipements urbains les plus anciens connus à ce jour sont des réseaux de fossés formant un quadrillage orthogonal souple. Ils révèlent un plan d’urbanisme qui a connu au moins deux phases successives : dans la première, les fossés semblent composer des bandes de 15 m de large sur l’axe nord-est/sud-ouest, à l’intérieur desquelles ne subsistent que des fosses, tandis que, dans la seconde, des tracés perpendiculaires découpent les espaces, fondant la trame sur laquelle les bâtiments maçonnés vont ensuite s’organiser.

Un premier bâtiment en dur de 9 x 5 m est implanté à proximité d’une batterie d’au moins trois fours à chaux, structures qui symbolisent le mieux cette période de construction du quartier.

Débuts de l’urbanisation (milieu du Ier siècle)

En retrait d’une voie d’axe nord-est/sud-ouest, le decumanus de l’agglomération, la fouille révèle quatre grands ensembles architecturaux mitoyens.

Le premier a été partiellement appréhendé au sud-ouest de l’emprise de la fouille. Un bâtiment en L à deux refends maçonnés y encadre une cour s’ouvrant vers la voie.

Le deuxième ensemble, contigu, met en scène un vaste édifice de 33 m de long sur 12 m de large, compartimenté en quatre pièces et pourvu de contreforts. Au sud-ouest, le bâtiment s’adosse à une cour close sur trois côtés et ouverte au nord sur la voie.

Au centre de l’emprise, le troisième ensemble est constitué d’une « cour » de plus de 1 500 m² et de plusieurs petits bâtiments flanqués le long des murs nord-est et sud-est. À l’intérieur de la cour, deux petits bassins construits en tuiles et mortier, dont l’un est relié à un petit système hydraulique souterrain, agrémentent l’espace. Vaste et soigné, cet ensemble évoque l’architecture d’une grande domus à étage s’ouvrant sur un jardin. Les débris de dalles de schiste sciées, les fragments d’enduits peints polychromes et quelques rares morceaux de marbre blanc renseignent sur la qualité des décors mis en œuvre dans les bâtiments de ce secteur. Des éléments de tubulures, des débris de pilettes et du mortier de tuileau dans le remblai d’une ancienne carrière indiquent également la proximité d’un dispositif de chauffage par hypocauste.

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Sur la frange orientale, une fosse sépulcrale recoupant l’enceinte gauloise ainsi qu’une urne cinéraire reléguée dans un dépotoir plus récent pourraient matérialiser un espace funéraire en limite de l’agglomération. Un cerf est également inhumé dans ce secteur.

L’expansion du quartier (IIe-IIIe siècles)

Au-dessus de l’espace funéraire initial et des dépotoirs qui lui succèdent, un quatrième et dernier ensemble maçonné, mitoyen de la « domus », est implanté sur le quart nord-est des terrains. Il s’agit d’un péristyle large de 5 m, dont les côtés dépassent 30 m. Du mur extérieur ne subsiste que la trace linéaire des déchets de mortier et de moellons abandonnés dans la tranchée de récupération. En revanche, les fondations du portique sont encore partiellement en place et laissent entrevoir les points d’appui de la colonnade (des cubes de maçonneries espacés de 2,50 m et profondément ancrés dans le sol) ainsi que les murs de liaison qui formaient une sorte de parapet.

L’espace du péristyle a livré, dans son angle méridional, les fondations d’un autre portique à la configuration identique mais moins massive. La fonction de cette seconde colonnade demeure incomprise.

Du démantèlement à la reconversion du quartier (à partir du IIIe siècle)

L’abandon des édifices du quartier se traduit par l’implantation de bâtiments sur poteaux dans les « jardins » de la domus et la conversion du bassin central, qui reçoit alors les restes de crémations d’animaux. Le bâtiment de l’ensemble 2, mitoyen, apparaît en cours de démontage. Des pans de murs arrachés sont basculés dans des fosses disposées de manière irrégulière le long de la façade orientale. Dans les autres cours, l’implantation de constructions sur poteaux témoigne d’un habitat plus sommaire.

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Un nouvel espace funéraire est créé autour des vestiges du quatrième ensemble, empiétant sur le mur nord-est de la grande domus. Le péristyle n’a pas totalement disparu puisque dix tombes à inhumation sont implantées parallèlement ou perpendiculairement à son mur extérieur. L’une d’elles présente une architecture inédite pour la région. Installé sur le flanc nord-ouest d’un vaste et profond creusement de 2,20 x 1,30 m, le corps est placé dans un coffre en tuiles plates (tegulae), lui-même recouvert par un coffrage en bois. Une tuile-canal (imbrex) servait de repose-tête et deux monnaies qui l’accompagnaient devaient être, à l’origine, posées sur les yeux du défunt – cette manifestation du rituel dit de « l’obole à Charon » est confirmée par deux autres sépultures voisines, où de telles monnaies étaient en place dans les orbites des crânes. Au-dessus du cercueil, à l’aplomb de la tête du défunt, six tuiles canal forment un conduit vertical utilisé pour des libations périodiques en son honneur. Plus simples, les autres tombes témoignent d’une généralisation de l’inhumation en cercueil de bois, dont ne subsistent bien souvent que les clous d’assemblage et parfois l’empreinte plus sombre des planches. Des vases complets en céramique sont déposés en offrande dans deux tombes ; dans une autre, de la céramique brisée a été retrouvée sur le buste du défunt. Des dépôts de boucherie semblent associés aux trois tombes situées le long du mur sud-ouest du péristyle : dans une fosse distincte de la tombe, à environ un mètre de distance, on trouve un crâne, ou seulement la mâchoire inférieure, voire un os long. Chaque dépôt correspond à un animal distinct : cheval, bœuf et porc. La tombe à libations pourrait avoir été l’élément fédérateur de ce groupe funéraire, dont le mobilier oriente vers des inhumations du Haut-Empire (début du Ier à la fin du IIIe siècle). La datation au radiocarbone de quelques squelettes éclairera à la fois le cadrage chronologique et la cohérence du groupe.

Des textes ?

Six plaquettes de schiste d’une dizaine de centimètres de côté ont été découvertes dans l’un des dépotoirs situé dans les jardins de la grande domus. Elles portent sur leurs deux faces des inscriptions gravées en capitales cursives. Le déchiffrement en cours permettra d’établir s’il s’agit de simples travaux d’entraînement à l’écriture ou de véritables textes illustrant autrement l’histoire de cette ville.

La pertinence de l’opération archéologique

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Après deux siècles d’observations et de découvertes régulières, mais aussi hélas de trop légères descriptions et de localisations approximatives, la fouille de 2012 a constitué la toute première opportunité de vérifier l’état des vestiges, et surtout d’appréhender l’organisation, la nature, la configuration et la chronologie des aménagements urbains de la ville antique de Portbail.