L’être humain est en train de provoquer ce que les experts appellent désormais "la 6ème extinction de masse", menaçant ainsi sa propre survie. Une dure réalité que notre espèce a encore complètement tendance à nier.
Miriam Gablier
Source - http://www.atlantico.fr/decryptage/pourquoi-espece-humaine-pourrait-eteindre-bien-plus-tot-que-pensons-miriam-gablier-2626681.html?yahoo=1
Atlantico : Y a-t-il déjà eu, à certains moments de l'Histoire, des périodes d'extinction massive ? Si oui, comment les expliquer ?
Miriam Gablier : La vie sur Terre a déjà connue cinq grandes extinctions de masse. La plus massive d’entre elles, l’extinction du Permien, il y a 245-252 millions d’années, a vu 95% de la vie marine disparaître ainsi que 70% des espèces terrestres.
Nous expliquons ces extinctions par les changements climatiques, le mouvement des plaques tectoniques, les catastrophes naturelles, l’impact des météorites... Cependant, ce qui n’est pas assez souligné, c’est que l’activité de la vie organique elle-même peut devenir une cause d’extinction.
La biologiste Lynn Margulis nous apprend par exemple, que les premières formes de vie sur terre, des bactéries, rejetaient un déchet : de l'oxygène. Elles ont ainsi pollué leur environnement avec cette substance, toxique pour elles, jusqu’à un point critique. Par adaptation, de nouvelles bactéries capables de respirer l'oxygène ont émergés. Cela a permis une régulation salvatrice.
L’évolution de la vie sur Terre n’a jamais été un long fleuve tranquille. Les organismes ont déséquilibré et rééquilibré un système global qui lui, à réussi à perdurer. Ainsi la question n’est pas tant celle de la survie de la vie dans son ensemble, que celle des espèces en particuliers. De nombreuses espèces se sont éteintes. En tant qu’être humain, la vie va certainement nous survivre, mais la question est de savoir si nous allons survivre avec elle. D’après les scientifiques, notre avenir n’est pas certain.
Sommes-nous entrés dans une nouvelle ère géologique ? Si oui, pouvez-vous expliquer en quoi cette nouvelle ère consiste ?
Nous sommes rentrés dans une nouvelle phase d'extinction massive appelée l'anthropocène.
Elle a commencé avec l’avènement de la révolution industrielle au 18ème siècle, et s'est intensifiée sur les cinquante dernières années. Si bien que le prestigieux musée américain d'histoire naturelle a posé une plaque sur laquelle il est inscrit : "Nous sommes au milieu d'une sixième extinction de masse. Celle-ci est entièrement causé par la transformation de l'environnement écologique par l'homme". C'est désormais officiel : l'homme est en train, à lui tout seul, de causer une extinction de masse.
Notre croissance démographique, notre main mise sur les terres et les mers, notre tendance à la sur-consommation, nos activités industrielles gourmandes et polluantes, sont un désastre pour le reste de la biosphère.
Elisabeth Kolbert dans son livre The Sixth Extinction rapporte qu’en 2050, 1/4 des mammifères, 1/6 des oiseaux, 1/5 des reptiles, 1/3 des requins et des raies, auront disparu. La déforestation anéantie au moins une espèce toutes les heures. Sur les 130 millions de km2 de terre qui ne se trouvent pas sous la glace, il reste seulement 30 millions de Km2 de terres dites sauvages.
Nous sommes témoin d’une destruction dramatique de la biodiversité. L’homme est à l’origine d’une destruction d'une ampleur inédite.
L'homme travaille-t-il à sa propre extinction ? Si oui, quels sont les principaux actes humains qui mettent en danger l'espèce humaine ?
De fait, nous participons à notre possible extinction. L'équation est très simple : nous sommes dépendants de notre environnement. Donc détruire notre écosystème, c'est saccager la chaine naturelle qui soutient notre propre survie.
Sommes-nous plus proches de notre propre extinction que nous le pensons ? L'homme a-t-il tendance à nier la réalité, à sous-estimer le risque de l'extinction humaine ? Si oui pourquoi ?
Il faut bien sûr toujours rester prudents avec les prédictions, mais les scientifiques ne cessent de nous dire que nous fonçons dans le mur : si nous ne changeons pas nos manières d’être au monde, nous pourrions disparaître de la surface de la planète plus rapidement que nous le pensons.
Pourtant, comme le montre très bien Clive Hamilton dans son livre Requiem pour l’espèce humaine, nous avons tendance à nier cette réalité. Cela pour plusieurs raison :
Déjà, parce que la notion "d'extinction d'espèces" est assez récente. Ce n'est qu'en 1796 que l’anatomiste Georges Cuvier conçoit qu’il a pu exister par le passé des animaux qui n’existent plus. Nous avons encore l’idée d’une nature qui arrive à se régénérer… Ce pourrait ne plus être le cas !
Ensuite, les citadins ne sont pas au contact direct de la nature, donc ne voient pas les extinctions de manière concrète. Ceux qui ont ne serait-ce qu'un jardin se rendent déjà compte que certaines grenouilles, insectes ou oiseaux disparaissent rapidement.
A cela s'ajoute que l'extinction de l'espèce humaine est une idée tellement angoissante que nous n’avons pas envie d'y faire face.
Surtout, tout ceci pose une question de fond. Notre culture occidentale, s’est construite sur une vision matérialiste de notre réalité – héritière de Descartes. Nous réduisons la vie à ses composants chimiques alors que c’est un phénomène mystérieux. En 2016, aucun scientifique n’est encore réellement capable d’expliquer ce qu’est la vie ! Notre paradigme réducteur doit évoluer, cela prend du temps.
Est-il déjà trop tard ou nous restent-ils des marges de manœuvre pour sauver l'espèce humaine ?
Il n’est jamais trop tard et être alarmiste est contre-productif. La réalité est qu’un changement est déjà en cours.
Le film documentaire Demain de Cyrill Dion et Mélanie Laurent, le montre bien : de nombreuses villes, entreprises, écoles optent pour le changement. La ville de San Francisco recycle par exemple 80% de ses déchets. En France, on n’a jamais autant mangé bio qu’en 2015. Les choses bougent, les gens se sentent concernés. Espérons que la contagion se propage.
L’idée principale est qu’il faut favoriser une vision systémique de notre monde, c'est-à-dire comprendre que l'homme n'est qu'une pièce dans un système global, pas son leader, et qu’il doit laisser de la place au reste de la biosphère.