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Saint-Jean-des-Vignes (France): Trisomie 21,un cas remontant au 5e siècle

Marc Gozlan / Crédit photos : Rivollata M, et al. Int J Paleopathology 7 (2014) 8–14.

Source - http://biomedicales.blogs.sciencesetavenir.fr/archive/2014/07/06/trisomie-21-un-cas-remontant-au-5e-siecle-en-france.html

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Le plus ancien cas décrit de trisomie 21 concerne un enfant âgé de 5 à 7 ans vivant au tout début de l’époque médiévale en France, telle est la conclusion d’une étude d’archéologues, de paléopathologistes,d'anthropologues et de radiologues français parue ce 18 juin en ligne dans la revue International Journal of Paleopathology.

Découvert à Saint-Jean-des-Vignes (Saône-et-Loire, Bourgogne), ce cas très probable de trisomie 21 remonte au 5e-6e siècle après J.C. Il représente à la fois le cas le plus ancien de trisomie 21 identifié à ce jour, mais également celui affectant le plus jeune patient.

La possibilité que ce crâne puisse être celui d’un enfant trisomique avait déjà été évoquée il y a quelques années, par ces mêmes archéologues, mais c’est la première fois que les indices ostéologiques convergent à ce point. Maïté Rivollat, Dominique Castex, Laurent Hauret et Anne-Marie Tillier (Université de Bordeaux, clinique Tivoli de Bordeaux, musée d'archéologie et d'anthropologie de l'Université de Pennsylvanie) ont mené une analyse anatomique et radiologique (y compris par scanner) du crâne d’un enfant retrouvé en 1989 dans une nécropole du 5e-6e siècle à Saint-Jean-des-Vignes, au sud de l'église. Une reconstitution 3D du volume intra-crânien a également été effectuée.

L’analyse des dimensions et de la morphologie de ce crâne a été comparée à celle de 78 autres spécimens crâniens d’âge similaire, conservés dans des collections archéologiques à Turin (Italie), au Musée de l’Homme (Paris), à Saint-Etienne, Toulouse, Bordeaux, et dans les facultés de médecine Necker (Paris) et Pellegrin (Bordeaux).

En 1989, des archéologues avaient découvert que cet enfant reposait allongé sur le dos dans une simple tombe, avec près de lui trois tessons de céramique. Après l’excavation, tout le squelette post-crânien (excepté le crâne) avait été perdu. Ceci ne permet donc malheureusement pas aux scientifiques de rechercher d’autres anomalies squelettiques pour renforcer leur diagnostic.

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Pour autant, plusieurs indices concordants plaident en faveur de la possibilité que ce jeune enfant était atteint de trisomie 21 : une brachycéphalie (diminution de la distance fronto-occipitale, entre le front et la partie située en bas et en arrière du crâne), une largeur anormale du crâne, une diminution de sa hauteur, un aplatissement de l’occiput (crâne aplati dans sa partie postérieure), des anomalies de valeurs des angles de courbures de la boîte crânienne, la persistance d’une petite suture métopique (jointure entre les deux bosses frontales), la fine épaisseur de certaines régions de la voûte crânienne, la présence de petits os supplémentaires (os wormiens au sein de sutures lambdoïdes).

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De plus, l’analyse de la dentition suggère fortement le diagnostic de trisomie 21. Il existe à l’imagerie une anomalie de développement (agénésie) de la seconde prémolaire inférieure gauche, un signe touchant selon les études 92% des trisomiques. De même, un remodelage osseux de l’os alvéolaire, témoignant du début de maladie parodontale (touchant les tissus de soutien des dents), a également été observé. Là encore, un signe très fréquent dans la trisomie 21, retrouvé dans 96% des cas dans certaines séries.

La disposition et l’orientation du corps, de même que le contexte funéraire des 94 autres individus de cette nécropole, montrent que cet enfant (de sexe inconnu) n’avait pas été stigmatisé par sa communauté, qui lui avait réservé un enterrement normal, soulignent les archéologues.

« Les résultats de notre analyse comparative morphologique nous amène à conclure que le squelette crânien de Saint-Jean-des-Vignes concerne un individu qui avait souffert de trisomie 21. A notre connaissance, cet enfant représente le cas le plus ancien et le plus précoce affecté par cette pathologie », indiquent les auteurs.

A ce jour, un autre cas possible de trisomie 21 avait été décrit, en Angleterre, chez un enfant de 9 ans dont le crâne datant des années 700 à 900 ans avait été trouvé dans un cimetière à Breedon-on-the-Hill.  

Pour en savoir plus :

Rivollata M, Castex D, Hauret L, Tillier A. Ancient Down syndrome: An osteological case from Saint-Jean-des-Vignes, northeastern France, from the 5–6th century AD. International Journal of Paleopathology. Volume 7, December 2014 (date prévue de publication de cet article dans la revue 'papier'), Pages 8–14.

Castex D, Crubézy E, Arensburg B, Zammit J. Handicap” génétique, un cas de trisomie 21 à la fin du Vème siècle à Saint-Jean-des-Vignes (Saône et Loire). In: V. Delattre, R. Sallem (Eds.), Décrypter la différence: lecture archéologique et historique de la place des personnes handicapées dans les communautés du passé, CQFD, Paris (2009).

Castex D, 1994. Mortalité, morbidité et gestion de l'espace funéraire au cours duhaut Moyen Age. Contribution spécifique de l'anthropologie biologique: Bordeaux. 1, pp. 350.

Brothwell DR. A possible case of mongolism in a Saxon population. Hum Genet. 1960 May;24:141-50.

Encore un peu d’histoire

C’est Jean-Etienne Esquirol (1772–1840), dans son Traité sur les Maladies mentales (1838), qui a pour la première fois décrit un enfant sans doute atteint de trisomie 21. Quelques années plus tard, Edouard Séguin (1812–1880), décrivait un enfant probablement trisomique, sous le nom d’« idiotie furfuracée » du fait de l’aspect de sa peau. Cependant, c’est John Langdon Down (1828–1896), médecin au Royal Earlswood Asylum of Idiots à Redhill dans le Surrey (Angleterre), qui donna en 1866 une définition clinique précise de la trisomie 21 dans sa publicationObservations on an Ethnic Classification of Idiots. Il la désigne par le terme d’idiotie mongoloïde du fait des traits du visage. Pour Down, le « type mongolien de l’idiotie » serait dû le plus souvent à une dégénérescence induite par la tuberculose des parents. Le terme de mongolisme, créé et utilisé abusivement après l’étude de Down, devint une dénomination communément acceptée à la fin du 19e siècle. Il n’a disparu des publications de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qu’à partir de 1965. Le syndrome de Down désigne la trisomie 21 dans la littérature médicale anglo-saxonne, jusqu’à aujourd’hui.

Adapté de :

A. Stahl, P. Tourame. La trisomie 21 dans les arts visuels. Arch Pediatr. 2013 Dec;20(12):1342-51.

Héral O. La Trisomie 21 : perspective historique sur son diagnostic et sa compréhension. Journal de Réadaptation Médicale : Pratique et Formation en Médecine Physique et de Réadaptation  Volume 31, Issue 2, June 2011, Pages 97–98.

Liens utiles :

Trisomie 21 (Orphanet).

Mongolisme, Trisomie 21, aide au diagnostic (Université de Rennes)