Thasos (Grèce) : Interview du Pr Arthur Muller
Découvreur de trésors en Grèce et archéologue à l'Université de Lille 3
Marie Vandekerkhove
Il passe sa vie de chercheur entre Villeneuve-d'Ascq, l'île grecque de Thasos et l'Albanie. Arthur Muller, professeur d'archéologie grecque à Lille 3, dirige actuellement l'école française d'Athènes. Cela fait trente-trois ans qu'il fouille un même site pour poursuivre son Graal : l'étude de la formation des cités.
Arthur Muller n'a rien d'un Indiana Jones. C'est pourtant par l'aventure qu'il est tombé dans l'archéologie. Cet agrégé de lettres classiques avait suivi un ami dans les grottes de l'île la plus septentrionale de la mer Égée... et redécouvert par hasard des mines d'or exploitées dans l'Antiquité. C'était en 1977. Trente-quatre ans après, le Pr Arthur Muller n'a toujours pas quitté Thasos. Pas pour l'or mais pour d'autres trésors.
L'enseignant chercheur dirige la délégation lilloise sur le site grec, « le seul de l'école française d'Athènes qui soit confié en partie à une université. » Et il redécouvre les richesses de cette île aujourd'hui touristique, richissime dans l'Antiquité grâce à son marbre blanc et son vin de grande qualité, qui avait été entièrement détruite en 620 après JC dans un tremblement de terre.
Après des années passées à diriger des bulldozers et à manier la truelle, Arthur Muller, les cinq autres enseignants chercheurs de Lille 3 qui travaillent avec lui et des bataillons d'étudiants villeneuvois ont fait avancer la connaissance du monde antique. « Nous travaillons sur les vestiges d'une ancienne villa des Ve-VIe siècles après JC. Et nous pouvons étudier toute l'histoire de Thasos... sur huit mètres d'épaisseur ! », sourit l'universitaire. Une enseignante chercheuse se concentre sur l'étude des mosaïques, un archéozoologue décrit le régime alimentaire des autochtones. Arthur Muller, lui, a découvert que les Thasiens qui exportaient leur vin au VIe siècle avant JC payaient une taxe à la cité-État. Les Grecs avaient donc bien tout inventé, de la démocratie... à la fiscalité sur l'alcool. « Nous avons même découvert des blocs de granit sur lesquels étaient inscrits les textes qui régissaient les lois sur le vin », pointe le chercheur.
L'étude de la villa permet aussi d'en apprendre plus sur les inscriptions funéraires. « Toutes les trouvailles, tous les objets appartiennent à la Grèce mais nous en gardons la propriété intellectuelle », explique-t-il. Arthur Muller passe tous ses étés sur ce site depuis... 1979. « Et, à Thasos, on en a encore pour des siècles de fouilles puisque nous étudions toute l'histoire de l'occupation humaine du site du VIIIe siècle av. JC à aujourd'hui », se réjouit l'archéologue.
Outre l'organisation de la cité, il s'intéresse également aux rites funéraires. L'Université de Lille 3 est devenue un des spécialistes mondiaux des figurines en terre cuite. Des offrandes aux divinités grecques (Demeter, Artemis...) dont Arthur Muller a montré qu'elles étaient produites en série « un peu comme les Vierges de Lourdes aujourd'hui », sourit-il. Un bond dans la connaissance de l'artisanat antique qui l'a fait voyager en Albanie, à Durres, où on a retrouvé 1 800 kg de ces statuettes. Créant un autre « chantier » de Lille 3, où Arthur Muller passe le printemps. Aujourd'hui, la recherche villeneuvoise se concentre sur la signification de ces figurines, nommée la coroplathie.
En transit à Villeneuve-d'Ascq, Arthur Muller repart pour Athènes d'ici quelques jours. Et envisage de retravailler sur les mines d'or de Thasos. Un retour aux sources de sa propre histoire.