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Tlatelcomila (Mexique): Nouveaux apports de l'anthropologie physique sur le sacrifice humain

Source http://mexiqueancien.blogspot.fr/2015/05/nouveaux-apports-de-lanthropologie.html

Cette note va probablement vous sembler morbide si vous n'êtes pas très au fait de certains rituels effectués par les anciens peuples préhispaniques de Mésoamérique. Âmes sensibles, abstenez-vous donc de lire ce billet. Cependant elle est d'une grande importance pour les anthropologues et historiens des religions de cette région du monde.

ResearcherslearnhowcannibalspreparedfleshNumerous small knife cuts and punctures in the mandible of "Jane of Jamestown" are seen during a news conference at the Smithsonian's National Museum of Natural History in Washington, May 1, 2013. (AP Photo/Carolyn Kaster)

La très sérieuse revue Forbes publie le résumé d'un article au titre provocateur "Savoury recipes and the colour of the Tlatelcomila human bones" dans la revue scientifique Archaeometry. L'auteur, Kristina Killgrove, introduit son papier avec une référence à Hannibal Lecter, histoire de continuer à utiliser des poncifs sur le sacrifice humain et le cannibalisme rituel, le réduisant Cette étude archéométrique et ostéologique est le fruit de recherches menées conjointement par Aioze Trujillo-Mederos, Pedro Bosch, Carmen Pijoan (récemment décédée) et Josefina Mansilla. Elle a cherché à déterminer les modes de préparations antérieurs à leur consommation.

Entendons-nous bien. Ce n'est pas la première fois que des archéologues et des anthropologues physiques découvrent des preuves physiques du cannibalisme rituel pratiqué par des groupes humains en Mésoamérique ou d'autres régions périphériques. Récemment José Luis Punzo avait présenté une découverte semblable sur le site de Cueva del Maguey, situé dans les montagnes du Durango. Alors archéologue du centre INAH du même état, il dirigeait une équipe qui mit la main sur quatre douzaines d'os datées vers 1425 de notre ère. Il semblerait qu'à chaque récolte de maïs, les Xiximes chassaient littéralement les Acaxées, une tribu rivale. Les chroniques espagnoles de l'époque rapporte que les Xiximes démembraient les corps et les faisaient cuire dans des sortes de poêles jusqu'à les chairs se détachent des os. Elles étaient alors récupérées et préparées avec des haricots et du maïs. Les ossements étaient ensuite rangés jusqu'aux semailles suivantes où ils étaient exhibés comme des trophées sur les toits ou les branches des arbres (Valle 2011).

Dans le cas de Tlatelcomila, site du Préclassique récent (entre 700 et 500 avant Jésus-Chris) dans le centre du Mexique, des os crâniens et d'autres plus longs ont été retrouvés avec des tons jaunes ou rouges. Les rédacteurs de cet article ont donc essayé de comprendre à quoi sont dûes ces colorations, "s'ils ont été traités à basse température, si leur coloration est intentionnelle ou le résultat d'un type de cuisson". 

Différentes mesures et analyses ont donc été effectuées. (chimie, microscope à balayage électronique, etc.). Dans un premier temps, les crânes comportaient des marques de coupures et de mutilation facialeles études ont révélé que les os avaient été exposés à des températures de 100°, 200° et 600° (Pijoan, Mansilla, Leboreiro, Lara et Bosch, 2007). Le type de cuisson des ossements peut notamment être déterminé par la présence des collagènes qui tendent à se dissoudre lors qu'ils sont bouillis. 

Dès lors, les auteurs estiment que les os ayant des marques rouges ont été grillés et exposés à de hautes températures. En revanche les os jaunis ont apparemment été bouillis avec du safran, du pipían et des piments, trois ingrédients qui sont toujours utilisés dans la gastronomie mexicaine contemporaine pour préparer du porc ou du poulet. Au delà de l'aspect peu ragoûtant pour le lecteur, il convient de rappeler que, selon différentes traditions mésoaméricains, l'être humain avait été fabriqué à partir du maïs. Il n'est guère étonnant qu'il puisse être préparé comme la céréale civilisatrice de cette partie du monde.

Étonnant, non ?

Références bibliographiques

Graulich, M. (2005). Le sacrifice humain chez les Aztèques. Paris: Éditions Fayard.

López Austin, A. et López Luján, L. (2010). "El sacrificio humano entre los mexicas", 
Arqueología mexicana, XVII, 103, 24-37.

Pijoan, C., Mansilla, J., Leboreiro, I., Lara, V. H. et Bosch, P. (2007), Thermal Alteration in Archaeological Bones. Archaeometry, 49: 713–727. doi: 10.1111/j.1475-4754.2007.00331.x. Document pdf disponible le 24/05/2015 : 
http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1475-4754.2007.00331.x/epdf .

Trujillo-Mederos, A., Bosch, P., Pijoan, C., et Mansilla, J. (2015), Savoury Recipes and the Colour of the Tlatelcomila Human Bones. Archaeometry, doi: 10.1111/arcm.12178.

Valle, S. (2011). Cannibalism Confirmed Among Ancient Mexican Group. News.nationalgeographic.com. Disponible en ligne le 21 mai 2015, de http://news.nationalgeographic.com/news/news/2011/11/110930-cannibalism-cannibals-mexico-xiximes-human-bones-science/ .