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TROMELIN (Océan Indien) : Nouvelles découvertes sur l'île des esclaves oubliés

 

Tromelin dévoile une partie de ses secrets

Thomas Lauret

Source : http://www.clicanoo.re/11-actualites/30-ocean-indien/267116-tromelin-devoile-une-partie-de-ses.html 

 

Les dernières fouilles ont mis au jour des habitats nouveaux, dont l’un est postérieur au départ des rescapés (photos Jean François Reyberotte).

ARCHÉOLOGIE. La troisième mission scientifique menée à Tromelin a permis d’en savoir encore un peu plus sur les esclaves malgaches abandonnés sur cette île en 1761. Mais l’expédition archéologique a également mis au jour de nouveaux mystères

L’épisode des esclaves oubliés de Tromelin a déjà été maintes fois raconté. Cet îlot de sable situé à plus de 560 kilomètres au nord de la Réunion et de Maurice, où l’on accède aujourd’hui uniquement par la voie des airs, a été, au XVIIIe siècle, le théâtre d’une histoire aussi cruelle que miraculeuse. Il reste pourtant encore beaucoup de choses à dire et à découvrir sur cette île qui abrite depuis 1954 une station météorologique au sein de laquelle ne travaillent pas plus de quatre scientifiques. La troisième mission archéologique du Gran (Groupe de recherche en archéologie navale) s’est achevée très récemment, après un mois de fouille. L’équipe est rentrée avec des conclusions inédites. Max Guérout, chef de la mission, accompagné de l’archéologue Thomas Romon et de Bako Rasoarifetra, spécialiste des civilisations à Madagascar, ont tenu hier un point presse au siège des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), à Saint-Pierre. Les deux missions précédentes, en 2006 puis en 2008, avaient permis de lever en partie le voile sur la vie des naufragés. Trois bâtiments avaient été dégagés, ainsi qu’un grand nombre d’objets et deux squelettes. Le tout à proximité de la station météo.

Encore des zones d’ombre

C’est donc pour en savoir davantage qu’une troisième mission a été menée, du 8 novembre au 10 décembre. Trois nouveaux bâtiments ont été découverts, obligeant les archéologues à réévaluer l’espace occupé par les naufragés, aujourd’hui estimé à 1 800 m2. Ayant subi plusieurs cyclones, et craignant sans doute que l’île ne soit submergée, les naufragés malgaches ont également dû remanier plusieurs fois leur habitat, le fortifiant au fil du temps. Les scientifiques ont réussi à établir une analyse fine de la stratigraphie sur tout le site, ce qui permet de déterminer l’ordre précis de construction des bâtiments. On peut aussi citer des découvertes importantes, comme de nouveaux objets attestant de l’adaptation des naufragés à l’île, ou encore ces deux “briquets” et nombreux silex, permettant dès lors d’affirmer que le feu a bien été entretenu pendant leur quinzaine d’années de présence. Si la vie des oubliés de Tromelin se dévoile peu à peu, d’autres mystères font aussi leur apparition. Le troisième bâtiment mis au jour par l’équipe semble avoir été construit après le départ des survivants en 1776 et avant l’installation de la station météo en 1954. Qui l’a donc réalisé ? “S’agit-il d’un naufrage non identifié ou bien d’un abri construit par les bénéficiaires de concessions d’exploitation du guano délivrée par l’île Maurice ? On ne le sait pas”, indique Max Guérout. Le mystère reste entier. Autre zone d’ombre : où sont les tombeaux ? L’équipe n’en a toujours pas trouvé, mais la spécialiste malgache Bako Rasoarifetra a son idée. “Les sépultures pourraient se trouver au sud des maisons, car il est impossible que les Malgaches aient pu jeter leurs morts à la mer, cela ne fait pas partie de leurs coutumes”.

“Il faut encore fouiller”

Le travail sur l’organisation de la vie des naufragés n’est donc pas terminé. “Il reste encore énormément à fouiller”, ajoute Thomas Romon, notamment un large espace entourant les bâtiments actuels, où d’autres vestiges d’habitation sont certainement enfouis. L’équipe entretient cependant le doute sur l’organisation prochaine d’une nouvelle expédition. “Monter une telle mission est difficile car il faut trouver les financements mais surtout arriver à faire coïncider les bonnes volontés. Je ne peux pas dire si nous y serons retournés dans deux ans”, explique Max Guérout. Le nouveau préfet des Taaf, Christian Gaudin, en a profité pour leur rappeler son soutien, de même que la Région, représentée à cette occasion. Il reste encore beaucoup d’interrogations autour de cette aventure exceptionnelle, y compris sur l’organisation d’une quatrième mission d’exploration.

- L’histoire des esclaves oubliés

En avril 1761, l’Utile, flûte de la Compagnie des Indes, s’échoue sur l’île de Tromelin à la suite d’une erreur de navigation. L’île de Sable, aujourd’hui appelée Tromelin, est un îlot corallien de 1 km2 posé au milieu de l’océan Indien, à plus de 500 kilomètres de la terre la plus proche. Malgré l’interdiction, ce navire destiné à transporter des vivres ramenait de Madagascar une cargaison humaine : 160 esclaves achetés en fraude dans la Grande île et destinés à être vendus à l’île de France (Maurice). Après le drame, qui fait déjà de nombreux morts, une soixantaine d’esclaves y sont abandonnés par l’équipage. Quelques semaines plus tard, les marins embarquent sur un radeau de fortune et promettent de revenir chercher les esclaves. Ce qu’ils ne feront jamais. Oubliés sur place, ce n’est que quinze ans plus tard, en 1776, que le chevalier de Tromelin y récupère sept femmes et un enfant. La survie de ce petit groupe humain, dans un environnement hostile où l’eau douce est rarissime, relève du miracle.

 

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