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Une analyse de dents bouscule une théorie répandue sur l'origine des premiers Américains

Emeline Férard 1

Source - Une analyse de dents bouscule une théorie répandue sur l'origine des premiers Américains (geo.fr)

Des scientifiques ont mené des analyses sur des dents d'Américains autochtones remontant jusqu'à 10.000 ans. Les résultats contredisent la théorie répandue selon laquelle les premiers habitants du continent américain provenaient du Japon et étaient apparentés au peuple Jōmon.

Les premiers humains sont arrivés bien plus tôt qu'on ne pensait sur le continent américain. C'est ce qu'a récemment démontré une étude menée sur des empreintes humaines identifiées au Nouveau-Mexique. Les analyses ont révélé que les traces de pas dataient de 23.000 ans, soit plus de 5.000 ans plus tôt que les scientifiques ne l'estimaient.

Aujourd'hui, c'est une nouvelle étude qui vient bousculer les théories sur l'histoire américaine. Ces recherches publiées ce mois-ci dans la revue PaleoAmerica se sont intéressées à l'origine des Américains autochtones (en anglais "Native Americans") . Et elles viennent contredire une hypothèse répandue sur les ancêtres des premiers habitants du continent.

Contrairement à ce que certains suggéraient, les premiers Américains ne proviendraient pas du Japon et ne serait pas apparentés au peuple Jōmon qui vivaient dans la région il y a 15.000 ans. A la même période où, selon le scénario jusqu'ici supposé, des humains auraient cheminé de l'Asie en Amérique en passant par le pont terrestre qui existait au niveau du détroit de Béring.

Des observations ont mis en évidence plusieurs similarités entre des outils en pierre, notamment des pointes de flèche, découverts sur des sites amérindiens et jōmon. Des chercheurs avaient ainsi émis l'hypothèse que les ancêtres des Américains autochtones pouvaient être des populations japonaises de chasseurs-cueilleurs, comme le peuple Jōmon, ayant gagné l'Amérique.

Etudier les dents pour explorer l'origine des populations

Cette théorie était toutefois loin de convaincre G. Richard Scott, anthropologue de la University of Nevada, et ses collègues. "Les parallèles culturels ne sont pas rares", a expliqué le scientifique à Live Science. "Les peuples peuvent s'emprunter des idées ou aboutir indépendamment à des solutions similaires face aux mêmes problèmes".

Restait à en trouver des preuves. Pour y parvenir, les scientifiques ont étudié des dents datant de jusqu'à 10.000 ans attribuées à des Américains autochtones, des individus Jōmon et d'autres peuples anciens originaires d'Asie de l'Est, du Sud-est ou du Pacifique. Ils se sont tout particulièrement intéressés à la morphologie des dents et de leurs racines.

L'équipe de Scott n'a pas choisi ses traits par hasard. La morphologie dentaire est en effet connue pour être influencée par une combinaison de gènes différents mais elle est aussi très peu affectée par les facteurs environnementaux. Ce qui en fait un élément précieux pour étudier l'origine des individus.

En comparant les centaines de dentitions, ils ont mis en évidence des différences importantes entre les premiers Américains et le peuple Jōmon. Trop importantes pour que les premiers descendent des seconds. "Les Jōmon sont très différents d'un point de vue dentaire de tous les Américains natifs", a résumé dans un communiqué G. Richard Scott.

Jomon et amerindienLes chercheurs ont comparé la morphologie des dents d'individus amérindiens (en bas) et du peuple Jōmon (en haut).  © G. Richard Scott

Ces observations ont été complétées par des analyses génétiques qui n'ont montré aucune relation directe entre les deux groupes. "Nous utilisons des preuves biologiques pour dire qu'il est très improbable que [les premiers Américains] proviennent du Japon", a-t-il poursuivi. Les résultats ont en revanche révélé des affinités entre leurs dents et celles d'anciennes populations de Sibérie.

Installés en Béringie pendant des millénaires ?

"Notre travail s'aligne assez bien avec l'hypothèse Beringian Standstill", a précisé l'anthropologue. Cette théorie avance qu'un groupe d'humain originaire de Sibérie orientale serait arrivé dans la région du fameux pont terrestre de Béringie il y a environ 25.000 ans. Il y serait alors resté pendant quelques millénaires avant de faire la traversée et gagner l'Amérique.

"Les ancêtres des Américains natifs ont probablement été retenus en Béringie durant le Pléistocène supérieur jusqu'à ce que les conditions s'améliorent suffisamment pour permettre le voyage jusqu'à la côte ouest de l'Amérique du Nord", a-t-il décrypté pour Live Science. "Et durant cette période d'isolement, ils se sont différenciés des populations ancestrales d'Asie de l'Est".

BehringLa migration humaine vers l'Amérique s'est faite via la Béringie, le pont terrestre qui existait entre la Sibérie et l'Amérique du Nord (à gauche), avant la période de déglaciation et la montée du niveau des eaux (à droite). PD

Si les Américains autochtones ne descendraient pas du peuple Jōmon, ils partageraient ainsi un ancêtre commun qui pourrait remonter jusqu'à 30.000 ans. Tandis que l'ancêtre commun entre les premiers Américains et les populations d'Asie de l'Est serait plus récent, remontant à moins de 30.000 ans.

Le scénario de l'hypothèse Beringian Standstill reste toutefois là encore à confirmer avec certitude. Et de nouvelles recherches viennent régulièrement bousculer les parcours supposés des premières migrations humaines vers l'Amérique. Outre la découverte au Nouveau-Mexique, des dents exhumées en Sibérie ont récemment révélé une population humaine inconnue.

Leur étude laisse penser que la Sibérie était occupée depuis au moins 30.000 ans par une population qui serait le fruit de la rencontre entre des Sibériens du Nord et un autre groupe venu d'Asie de l'Est. Autant de conclusions qui poussent à réécrire une partie de l'histoire et confirment que le puzzle des origines des premiers Américains est loin d'être complet.