CNRS
Source - https://www.insu.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/une-nouvelle-methode-pour-faire-parler-les-carbonisats
Analyse d'un charbon de bois ancien de 10 000 ans avec un spectromètre Raman © Jérôme Aubry
Les carbonisats sont les résidus solides du processus de carbonisation. Les plus connus sont les charbons de bois mais les suies et les charbons d’origine animale (os, viande et gras carbonisés) en font aussi partie. Des méthodes de spectrométrie Raman1 récemment développées permettent d’identifier l’origine animale ou végétale d’un carbonisat et de retrouver sa température de formation. Ce sont des informations précieuses en archéologie, quand il s’agit d’identifier des résidus de foyers préhistoriques dépourvus de morphologies caractéristiques. Des informations utiles aussi en géosciences, pour remonter à la température de phénomènes ayant produit des charbons de bois (incendies, coulées pyroclastiques, …).
Cependant, ces méthodes ne s’appliquaient qu’à des échantillons relativement récents car elles ne prenaient pas en compte l’altération des carbonisats au cours du temps, notamment sous l’action de l’oxygène. Une équipe de recherche, impliquant des scientifiques du CNRS-INSU (voir encadré), démontre qu’après avoir passé plusieurs millénaires dans les grottes ou dans les sédiments, les carbonisats sont oxydés et leurs spectres Raman sont modifiés.
Les scientifiques prouvent qu’il est possible d’outrepasser cette limite, en élaborant une nouvelle méthode qui prend en compte ces altérations et permet de continuer à faire la distinction entre carbonisats d’origine animale et végétale. À titre d’exemple, les scientifiques appliquent cette méthode à des résidus de foyers préhistoriques de la grotte de Bruniquel, vieux de 176 500 ans, dont les morphologies ne permettaient pas d’identifier l’origine végétale ou animale des précurseurs.
Grâce au couplage de la microscopie électronique et Raman, les scientifiques peuvent également localiser des parties micrométriques préservées de l’oxydation dans un charbon de bois et remonter à sa température de formation. Le procédé a été appliqué à des charbons de bois formés dans une nuée ardente d’un volcan de la Chaine des Puys en Auvergne, il y a 10 000 ans.
Figure 1. Carbonisats retrouvés dans les foyers préhistoriques de la grotte de Bruniquel. Grâce à leur spectre Raman, (a) peut être identifié comme étant d’origine animale (viande ou graisse) et (b) d’origine végétale (charbon de bois dit vitrifié).© Cf. Référence
Figure 2. (a) Coulée pyroclastique (couche grise) dans laquelle de la végétation a été piégée et transformée en charbons de bois (b). (c) Image MEB-Raman de la surface d’un charbon de bois dans laquelle sont localisées (en jaune) des parties préservées de l’altération oxydante. © Cf. Référence
Damien Deldicque, Jean-Noël Rouzaud, Ségolène Vandevelde, Maria Ángeles Medina-Alcaide, Catherine Ferrier, Christian Perrenoud, Jean-Pierre Pozzi and Manon Cabanis. Effects of oxidative weathering on Raman spectra of charcoal and bone chars: consequences in archaeology and paleothermometry Volume 355 (2023), p. 1-22, 12 January 2023.
Notes
La spectrométrie Raman donne accès aux états vibrationnels dont les fréquences mesurées sont caractéristiques d’un matériau. C’est une technique de spectrométrie optique non destructive qui permet l’identification des fonctions chimiques et peut renseigner sur la structure des matériaux.