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Une occupation néolithique à Dilligato – Punta Campana (France)

INRAP

Source : https://www.inrap.fr/une-occupation-neolithique-dilligato-punta-campana-sotta-corse-du-sud-17198

Dans les pentes du flanc sud de la Punta Campana, à Sotta, une équipe d’archéologues de l’Inrap a mis au jour un établissement du Néolithique récent et une occupation du Néolithique final dont les structures sont exceptionnellement bien conservées. Les éléments mobiliers, nombreux et diversifiés, traduisent la présence d’activités intenses sur la longue durée couvrant tous les aspects de la vie quotidienne et de l’économie des sociétés néolithiques.

Icono image 13878Vue générale d'un bastion en cours de fouille à Sotta (Corse-du-sud) en 2023.© Florian Soula, Inrap

Dans le cadre d’un projet d’aménagement de onze villas, la prescription d’un diagnostic (Drac de Corse) réalisé en avril-mai 2022 (RO C. Ranché) a permis de confirmer la présence d’un site néolithique dans les pentes du flanc sud de la Punta Campana à Sotta. La fouille préventive, réalisée de la mi-novembre 2022 au début du mois de mars 2023, sur une emprise d’environ 2200 m² a révélé la présence d’un établissement du Néolithique récent (Basien) et du Néolithique final (Terrinien). L’occupation du Néolithique récent n’est qu’en partie conservée dans un secteur de l’emprise de fouille. L’occupation du Néolithique final, avec par endroits jusqu’à 2 m de stratigraphie, est quant à elle exceptionnellement bien conservée au regard des connaissances insulaires et du contexte topographique très escarpé. Quelques indices d’occupation de l’âge du Bronze présents dans les colluvionnements supérieurs témoignent de la présence d’un habitat fortifié situé probablement plus haut sur la Punta Campana.

L’OCCUPATION DU NÉOLITHIQUE RÉCENT (IVE MILLÉNAIRE AVANT NOTRE ÈRE)

Le diagnostic puis la fouille ont permis de mettre en évidence la présence de lambeaux de structures et de niveaux du Néolithique récent (Basien) conservés dans une cuvette. Datés au diagnostic du début du IVe millénaire avant notre ère, ces vestiges semblent appartenir à une structure polylobée en pierre à l’intérieur de laquelle un atelier de taille de l’obsidienne a été documenté (déchets de taille, nucléus, supports lamellaires plus ou moins fragmentés, lamelles et autres objets finis). L’occupation basienne a probablement subi une forte érosion avant la mise en place de l’occupation terrinienne.

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Exemples d'industrie lamellaire sur obsidienne découverte sur la fouille de Sotta (Corse-du-sud) en 2023. © Laura Manca, Inrap

L’OCCUPATION DU NÉOLITHIQUE FINAL  (IIIE MILLÉNAIRE AVANT NOTRE ÈRE)

L’occupation du Néolithique final (Terrinien) mise au jour à Dilligato se caractérise par des terrasses aménagées par creusement du substrat et construction de murs de renfort s’accrochant aux divers chaos rocheux présents sur le site. Sur ces terrasses, des niveaux d’occupation et d’activité ont été fouillés.
Le sommet de l’emprise de fouille présente une organisation plus complexe, avec un « bastion » soutenu par un imposant mur de terrasse, entièrement conservé et mesurant environ 0.9 à 1.2 m de hauteur par rapport au niveau de circulation conservé. Ce mur est construit en gros blocs de granite avec une assise supérieure de blocs disposés à plat.

En contrebas de ce mur, une première structure en arc de cercle, très bien conservée avec des parements hauts de 0.7 à 0.8 m, livre de nombreuses informations sur les éléments architecturaux  qui étaient en élévation. Le parement interne de la structure est composé de petites dalles de granite disposées verticalement et surmontées de plusieurs assises de blocs agencés en panneresse à joints croisés. Le parement externe, moins haut car construit contre le bord du creusement d’une grande cuvette d’implantation, est moins soigné mais présente deux « contreforts » latéraux aux extrémités de la structure. Le « contrefort » oriental est associé à un palier construit aménageant l’accès à un couloir situé entre le mur de terrasse du « bastion » et la structure en contrebas. La partie intérieure du mur de la structure en arc de cercle présente un espace vide à la base duquel des blocs sont disposés à plat.

Icono image 13881Contrebas d'un bastion implanté sur une terrasse de gros blocs avec une structure en arc de cercle la mieux conservée du site de fouille de Sotta (Corse-du-Sud), en 2023. © Florian Soula, Inrap

Ces blocs sont coincés sous le parement externe (technique de contrepoids) et forment, avec le bord du parement interne, une rainure destinée à l’implantation et au blocage en contrepoussée du départ de la toiture ou des piquets de soutènement de celle-ci (deux hypothèses de restitution sont à l’étude). Cet indice de départ ou soutènement de toiture, ainsi que le pendage prononcé du parement interne vers l’intérieur, laissent penser qu’il s’agissait-là d’une couverture de forme semi-conique à pente plus ou moins forte. L’intérieur de la structure livre un niveau de sol riche en mobilier sous les éboulements des murs ainsi qu’une lentille de sédiment rubéfié.

Icono image 13883Vase piriforme sub-entier découvert sur un dallage à l'intérieur du mur de la structure en arc de cercle, sur la fouille de de Sotta (Corse-du-sud) en 2023. © Florian Soula, Inrap

La partie identifiée comme un couloir ou axe de circulation était probablement couverte d’une toiture contiguë – ou par le débordement de celle de la structure - car plusieurs vases ou fonds de vases de stockage ont été découverts en place, à la fois sur le sommet de la terrasse et sur le dallage interne du mur de la structure, contre le départ de la toiture. Ce couloir a pu permettre l’accès au « bastion » par un escalier aménagé dans la terrasse au moyen de blocs étagés émergeant latéralement du parement. Ce couloir donne accès au sud à un replat aménagé par deux petits murs de terrasse s’accrochant à chaos rocheux, en contrebas de la structure.

Ces éléments laissent penser à la présence d’un quartier artisanal plus que domestique  associant une partie perchée - ou « bastion » - composée de murs et de cellules associés à des niveaux de sols vraisemblablement contemporains de la construction et de l’utilisation de la structure en arc de cercle la plus récente, décrite ci-dessus.

Une autre découverte inattendue pour ce type de site réside dans le fait que deux autres structures du même type, avec une emprise similaire, ont été découvertes sous cette première structure. Les techniques de construction semblent toutefois évoluer et s’affiner au cours des différentes phases identifiées, a priori toutes relatives au Néolithique final. Une stratigraphie de type « tell » avec une permanence des espaces et des architectures est ainsi mise en évidence dans au moins deux secteurs distincts sur le site. Toutes les structures de ce type sont orientées de la même manière, dos à la pente, vraisemblablement pour des questions d’orientation vers la vallée mais également pour protéger les espaces internes d’un ravinement important.

La question de la fonction de ces structures doit être précisée mais il pourrait s’agir à la fois de structures destinées au stockage de denrées alimentaires, à la pratique d’activités métallurgiques (zone rubéfiée, déchets de fonte, objets en cuivre, altérations des sédiments en cours d’analyse) et à d’autres types d’activités artisanales.
Le site était ceint dans sa partie basse par un dispositif de fossés convergents, palissadés et probablement surmontés de murs à certains endroits. Ce dispositif pouvait à la fois jouer un rôle défensif et un rôle de drainage et de protection des structures du ravinement. L’étude et les analyses géomorphologiques et sédimentaires en cours visent notamment à confirmer et mieux caractériser les dynamiques relatives à ce dispositif.

UN MOBILIER ABONDANT ET VARIÉ

Le site, et tout particulièrement la partie du « bastion » et ses terrasses inférieures, a livré un nombre d’éléments métalliques en cuivre relativement inhabituel pour ce type de contexte où il est généralement supposé – constaté par défaut - que les objets et déchets sont presque systématiquement refondus tant les gisements de matière première sont éloignés (Haute-Corse, Sardaigne, etc.). Outre les objets finis (alênes bi-pointes de différentes dimensions, spatule, anneau, « zébulon »), de nombreux petits éléments liés aux activités de fonte (et vraisemblablement pas de fusion) ont été découverts (lingotières, gouttes et coulures de cuivre, « laitiers », lingots et/ou fragments de plaquettes de cuivre). La série liée à ces activités et objets devra faire l’objet d’une restauration et d’une étude approfondie afin de déterminer la composition et la provenance des alliages.

Les restes fauniques se composent majoritairement de dents de bovins (et de caprinés ?) et de plus rares parties squelettiques post-crâniennes pour la plupart brulées confirmant une mauvaise conservation de la matière organique en raison du Ph acide des sédiments d’origine granitique.

Les autres catégories de mobilier, se comptant en dizaines de milliers, avec une nette dominance numéraire de la céramique non tournée, se compose également d’industrie lithique sur silex, obsidienne, rhyolithe et quartz, de pointes de flèches, de polissoirs, de perles en roche tendre, de pesons (poids de métier à tisser), de fusaïoles, de meules, de molettes, de quelques haches polies et d’outils sur galets (percuteurs, lissoirs, enclumes, etc.). Ces éléments traduisent la présence d’activités intenses et/ou sur la longue durée concernant tous les aspects de la vie quotidienne et de l’économie des sociétés néolithiques. Une étude anthracologique et carpologique poussée est notamment planifiée sur les nombreux échantillons de sédiments prélevés lors de l’opération

DES INDICES D’OCCUPATION DE L’ÂGE DU BRONZE (IIE ET IER MILLÉNAIRES AVANT NOTRE ÈRE)

D’après la bibliographie et les recherches menées au cours du diagnostic, une occupation de l’âge du Bronze se trouve dans les environs ainsi que dans l’emprise de la fouille. Cette occupation est attestée par des vestiges, principalement céramiques, retrouvés ici dans les niveaux supérieurs de la séquence stratigraphique, apportés par les dynamiques de colluvionnement et peut-être également par l’existence de paléo chenaux comblés au fur et à mesure des occupations. Indéniablement, le sommet de Punta Campana, dominant le site et tous les environs, était structuré et occupé au cours de l’âge du Bronze, puis de l’âge du Fer. Si ce sommet présente actuellement les vestiges d’une occupation médiévale puis moderne/contemporaine, il semblerait que des anomalies visibles sous ces vestiges dans la végétation pourraient appartenir à cette chronologie (arase de tour ? fortifications ?).

L’UTILISATION MODERNE ET CONTEMPORAINE DES LIEUX

Les environs immédiats de l’emprise de l’opération préventive présentent également une importante occupation moderne / contemporaine dont subsistent des ruines de maisons, d’une « laiterie » et de fours. Dans l’emprise même de la fouille, des terrasses de cette période reprennent plus ou moins les terrasses néolithiques, celles-ci ayant modelé le paysage local sur des millénaires, avec des orientations légèrement différentes. L’implantation de ces terrasses pour la culture de l’olivier est attestée dans la mémoire collective ainsi que par quelques spécimens multi-centenaires. Elle n’a à priori que peu impacté les vestiges du site néolithique, pour le moins là où ils étaient profondément enfouis.

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