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Vergina, l'antique Aigai (Grèce): le Grand Alexandre gardait un secret

En Macédoine, le Grand Alexandre gardait un secret

Florence Evin

Source - http://www.lemonde.fr/sciences/article/2012/03/13/en-macedoine-le-grand-alexandre-gardait-un-secret_1621139_1650684.html  

La menthe embaume le sentier qui gravit la colline dominant Vergina, l'antique Aigai, première capitale des Téménides, dynastie régnante en Macédoine du VIIe au IVe siècle avant Jésus-Christ. Cette Grèce septentrionale méconnue, royaume natal d'Alexandre le Grand, pays de montagnes, de gorges profondes, couvert de forêts, riche en mines d'or, en plaines fertiles et semé de villages assoupis, n'en finit pas de livrer ses secrets. Sans bruit.

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Une campagne de fouilles archéologiques y est menée tambour battant depuis trente ans. Les trésors des Téménides, ces bergers transhumants qui se disent descendants d'Héraclès et des rois d'Argos, sont peu à peu exhumés. Entre 2001 et 2010, mille tombes ont été découvertes, la plupart inviolées, près de Pella, deuxième capitale royale, lieu de naissance d'Alexandre en 356 av. J.-C. De cette ville nouvelle, sept hectares quadrillés de rues, avec système d'adduction d'eau et chauffage par le sol, il reste des pans de murs, des colonnades et les précieux tapis de mosaïques en petits galets de rivière noirs et blancs des plus belles demeures.

D'Aigai, l'actuelle Vergina, berceau des Téménides selon Hérodote, le sentier parfumé conduit à la plus récente des restaurations en cours. A mi-pente, surplombant la plaine à perte de vue de l'Hakiamon, le palais de Philippe II, père d'Alexandre, sort de terre. Le chantier est une fourmilière : quatre-vingt-dix personnes, architectes, géomètres, archéologues... sont à pied d'oeuvre.

Tombe inviolée de Philippe II

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La mise au jour de l'édifice bâti en 350 av. J-C. - 12 500 mètres carrés, trois fois le Parthénon - a débuté en 2007 sous la direction d'Angeliki Kottaridi, avec l'aide de fonds européens pour 10,4 millions d'euros. "Le premier palais de la Grèce historique, coiffé de tuiles, encadre une cour intérieure à péristyle de soixante colonnes, seize par côté. Voilà la naissance du péristyl e", s'enthousiasme l'archéologue. Lors des banquets, "3 500 convives y tenaient assis ! ". Dans l'élan de sa démonstration, Mme Kottaridi, à la chevelure de feu, court sur une tranchée pour montrer les bains et toilettes, juste dégagés.

Cachés sous une bâche, balayettes et couteaux en mains, deux jeunes experts réajustent les minuscules galets qui composent au sol L'Enlèvement d'Europe : au palais, 1 450 m2 de mosaïques sont à restaurer. En contrebas, les gradins du théâtre émergent d'un champ d'oliviers. Philippe II y est assassiné en 336 av. J.-C., lors du mariage de sa fille. Alexandre lui succède et devient roi à 20 ans.

C'est la découverte, en 1977, par Manolis Andronikos, de la tombe inviolée de Philippe II, à Vergina, sous un tumulus de 110 mètres de diamètre, qui fait mentir Chateaubriand. L'écrivain affirmait qu'en Grèce du Nord il n'y a rien à voir. "C'est la plus grande découverte depuis celle du sarcophage de Toutankhamon ", s'exclame Polyxéni Adam-Véléni, directrice du musée archéologique de Thessalonique.

Comme dans la Vallée des morts en Haute Egypte, le visiteur descend les marches menant aux tombeaux. Celui de Philippe II est animé par une frise polychrome de 5 mètres figurant une scène de chasse au lion. Alexandre est au centre, à cheval, armé d'une sarisse - lance de 5 mètres de long. Ce portrait serait le seul exécuté de son vivant, avec la miniature d'ivoire qui décore le lit funéraire de son père. Les couleurs, bleu, rouge, brun, ont gardé leur fraîcheur, la vigueur du trait est celle du grand art grec.

Dans l'au-delà, le défunt doit disposer des honneurs et richesses terrestres. Ce qui explique la magnificence des objets présentés à l'intérieur du tumulus reconstitué : coffret contenant les ossements et la couronne de feuilles de chêne, l'arbre sacré de Zeus, le tout en or ; panoplie en bronze martelé d'or (bustier, casque, jambières, bouclier d'apparat) ; javelots, épées, sarisses ; vaisselle d'argent, céramique ; lit de banquet décoré de miniatures en ivoire très expressives : des chefs-d'oeuvre.

Philippe II ne serait pas ce barbare ivrogne, sans foi ni loi, dont parlait l'éloquent Démosthène. Mais un despote éclairé, amateur d'art, de théâtre, de musique, un mécène qui accueillait à sa cour les plus grands artistes venus d'Athènes. Il confie à Aristote l'éducation d'Alexandre, âgé de 13 ans, avec les fils de l'élite aristocratique qui deviendront ses hétéroi, compagnons prêts à mourir pour lui, les généraux de sa campagne d'Orient.

Par gratitude, Philippe reconstruit Stagire, village natal du philosophe, accroché en à-pic sur la mer. L'imposante fortification restaurée, les maisons en ruine et l'agora, dégagées du maquis, composent un des plus beaux paysages de Macédoine.

Dix ans de combats

Alexandre consolide l'unité grecque et prépare, deux ans durant, son armée. Se venger des guerres médiques, vaincre les Perses et Darius, tel est son but, mais pas seulement. Il veut conquérir l'Orient, réussir le rêve inaccompli de son père. Force de la nature, tel Achille son héros, il voyait dans l'Iliade, "un viatique de la valeur guerrière", note Plutarque, tout en précisant qu'il emporta le texte d'Homère"corrigé par Aristote, qu'il gardait constamment sous son oreiller avec son épée ".

En 334 av. J.-C., à l'heure du départ, Alexandre se rend avec cent compagnons au pied du mont Olympe, dans la cité sacrée de Dion. Il sacrifie à Zeus, organise des jeux panhelléniques et des concours de dramatiques. L'imposant massif veille sur les vestiges déserts du sanctuaire, noyé dans quinze hectares de marécages. L'aigle, symbole de Zeus, est sous l'eau, tandis qu'Aphrodite, Artémis et un ange de pierre moussue sont au sec. Le site, enchanteur, inspira à Euripide sesBacchantes, jouées sur place.

Le regroupement de l'armée, 5 000 cavaliers et 40 000 fantassins, a lieu à Amphipolis, dans un paysage rendu à l'état sauvage. Sur le fleuve Strymon, paisible ruban d'émeraude, Néarque, amiral d'Alexandre, rassemble la flotte de guerre. Subsiste l'armature du vieux pont : une centaine de piles en châtaignier fossilisé au pied desquelles ont été trouvés des débris de bronze provenant de vaisseaux.

Alexandre meurt, en 323, à Babylone, sur le chemin du retour, emporté par une forte fièvre. Après avoir soumis les Perses et les peuples d'Orient, l'armée épuisée par dix ans de combats refuse d'aller au-delà de l'Indus. La dépouille du conquérant rapportée à Alexandrie par Ptolémée, roi d'Egypte, n'a jamais été retrouvée.

Cet été, près d'Amphipolis, Katerina Paristeri, responsable de la circonscription archéologique, pense avoir localisé la tombe de Roxane, femme d'Alexandre. Le dégagement de l'impressionnant tumulus, comme l'ensemble des fouilles, est interrompu. Sans protection. Crise financière oblige.